Hydrogène : Symbio laissé au bord de la route
L’annonce de Stellantis, le 16 juillet 2025, de mettre un terme à son programme de développement de véhicules utilitaires à pile à combustible, agit comme un électrochoc pour Symbio. L’équipementier, coentreprise fondée par Michelin et Forvia, comptait sur le constructeur automobile pour absorber à lui seul 80 % de sa capacité de production. Son usine flambant neuve de Saint-Fons (69), calibrée pour fournir 50 000 systèmes à hydrogène par an d’ici 2026, se retrouve sans débouché immédiat.
"Ce repli de Stellantis aura des conséquences opérationnelles et financières irréversibles pour Symbio", préviennent Michelin et Forvia, qui se disent préoccupés pour les 640 salariés du groupe. Les deux actionnaires, mis devant le fait accompli dès le mois de mai, dénoncent une décision "inattendue, brutale et non concertée".
Une filière fragilisée au mauvais moment
Au-delà du sort de l’entreprise, ce désengagement risque de peser lourd sur la filière hydrogène française. Symbio ne s’adressait pas qu’au marché des utilitaires : l’équipementier visait aussi le secteur du transport routier de marchandises. Un segment où la pile à combustible est perçue comme une solution particulièrement adaptée aux longues distances, aux usages intensifs et aux configurations spécifiques comme le transport frigorifique.
Avec la mise en route encore lente des autres projets industriels, la perte d’un acteur comme Symbio dans la chaîne de valeur pourrait casser cet élan. En début d’année, Jean-Michel Amaré, vice-président de France Hydrogène, rappelait dans nos colonnes : "La production d'hydrogène de qualité requise pour les piles à combustible nécessite des investissements massifs, qui ne seront consentis que si la demande est au rendez-vous".
Des ambitions contrariées pour le poids lourd
L’arrêt de Stellantis intervient alors que plusieurs constructeurs poids lourd accélèrent leurs travaux sur l’hydrogène. Daimler Truck, Volvo Trucks, MAN, Scania, Iveco ou encore Hyundai multiplient les projets en Europe, avec une mise en service des premiers modèles prévue dès 2026. En France, Hyliko, qui a déjà mis plusieurs camions à la route, table sur une centaine de véhicules d’ici 2027. Objectif : 7 000 camions à hydrogène en circulation dans l’Hexagone à horizon 2030.
Mais pour atteindre cette masse critique, les acteurs de la filière comptaient sur des fournisseurs comme Symbio pour proposer des systèmes de piles à combustible compétitifs. La disparition, ou même le ralentissement, d’un tel acteur pourrait retarder l’industrialisation de la technologie.
Une équation industrielle et politique
Le timing de cette décision pose également question alors que l’État français a tout juste lancé un appel à projets pour soutenir l’émergence de la mobilité hydrogène dans les véhicules utilitaires légers. Symbio y était partie prenante. Le gouvernement affiche par ailleurs une ambition forte sur l’hydrogène décarboné, avec plus de neuf milliards d’euros d’investissements annoncés dans le cadre de France 2030. L’arrêt de Stellantis sonne donc comme une dissonance dans cette partition industrielle.
À noter que la direction de Symbio n’a pas encore communiqué publiquement. De leur côté, Michelin et Forvia assurent être en contact étroit avec les pouvoirs publics pour tenter de préserver l’activité. Reste à savoir si l’entreprise tricolore pourra rebondir en se repositionnant sur d’autres segments du transport ou avec d’autres partenaires industriels.