Scania fait des énergies alternatives le moteur de sa croissance

Carl Pattyn, président de Scania France, le reconnaît volontiers : le groupe a traversé des "années particulières" depuis 2020. Après le Covid, l’industrie du camion a dû faire face à la pénurie de semi-conducteurs et à l’inflation en l’espace de quelques mois. Un environnement qui n’incitait pas le constructeur suédois à l’optimisme à l’approche du bilan de l’exercice 2022.

Finalement, ce dernier a limité la casse avec une part de marché à 10,6 % dans l’Hexagone, contre 13,8 % en 2021. "Nos chiffres sont inférieurs à nos prévisions, concède Carl Pattyn. Nous avons été impactés par la pénurie de semi-conducteurs." Ces perturbations ont effectivement affecté les résultats globaux du groupe dont les livraisons de véhicules ont chuté de 6 % en 2022 (85 232 unités).

En France, c’est sur le segment des tracteurs que Scania a observé le plus de difficultés avec une part de marché en recul à 10,3 %, contre 15,4 % lors de l’exercice précédent. Sur le marché des porteurs, le bilan est plus honorable avec une part de marché stable à 11,3 % (contre 11,6 % en 2021).

Scania se met au B100 exclusif

Après cet exercice en demi-teinte, le constructeur nordique entend repartir de l’avant, fort d’un carnet de commandes étoffé. "En 2023, notre part de marché dépendra de notre capacité à livrer et non à vendre", confirme Éric Darné, directeur commercial de Scania France. Les premiers mois de l’année sont prometteurs : au cours du premier trimestre, les immatriculations de la marque ont grimpé de 45 % par rapport à 2022, à 1 615 unités.

Pour maintenir sa croissance, le griffon mise notamment sur le segment des énergies alternatives, qui représente désormais plus de 7 % du marché tricolore. "On ne plus s’en écarter, confie Éric Darné. Ce segment représentera, à terme, 15 à 20 % de nos ventes totales." En 2022, Scania a affiché une part de marché de 25,8 % sur ce segment, au coude à coude avec Renault Trucks (25,1 %) mais derrière Iveco (33,7 %).

La marque au losange réalise toutefois, sur ce premier trimestre 2023, une percée notable avec une part de marché se hissant à 42,1 %. Une progression qu’elle doit essentiellement à ses véhicules B100 exclusif… Et c’est justement pour répondre à la demande sur cette motorisation que Scania lance aujourd’hui une solution B100 exclusif. Homologuée depuis février 2023, elle va permettre aux véhicules de bénéficier du suramortissement et d’une vignette Crit’Air 1, autorisant l’accès sans restriction aux ZFE.

Pour le moment, la solution B100 exclusif est disponible sur les tracteurs et porteurs deux essieux équipés des moteurs 5 cylindres 9-litres de 320 et 360 ch ainsi que sur les Super 13-litres de 460 et 500 ch. Dans quelques semaines, elle sera étendue aux modèles trois et quatre essieux. Elle doit également concerner rapidement les cars et bus Scania pour les motorisations 9-litres 320 ch et 13-litres 410 ch.

Deux nouveaux moteurs pour le gaz

Si le constructeur suédois entend donc s’affirmer sur le marché émergent du B100, il poursuit en parallèle ses développements sur les autres énergies alternatives. A commencer par le gaz, avec le lancement de deux nouveaux moteurs de 13 litres, offrant des puissances de 420 et 460 ch. Disponibles à partir de début 2024, ils permettront de répondre aux besoins de nombreuses applications, en particulier pour le long-courrier.

"On peut désormais disposer de combinaisons tracteur/semi-remorque pour les applications long-courrier avec un poids total roulant autorisé de 40 tonnes, associées à des autonomies allant jusqu’à 1 400 km avec du biométhane liquéfié dans leurs réservoirs", annonce Stefan Dorski, vice-président senior et responsable de Scania Trucks.

Électrique : nouveaux modèles et nouvelle batterie

Autre priorité du groupe de Sodertälje : l’électrique. Outre le camion hybride et les véhicules 25 L/P (BEV), destinés à la distribution urbaine, son catalogue propose depuis 2022 ses nouveaux modèles 45 R et 45 S. Réservés au transport régional, ces camions sont disponibles avec trois motorisations développant une puissance de 400 kW (540 ch) et 450 kW (610 ch).

Prochaine étape visée par Scania : la longue distance avec une nouvelle gamme prévue en 2024. Les applications construction sont, quant à elles, programmées pour 2025. "Nous couvrirons alors un large choix d’applications", souligne Bengt Rasmusen, directeur produit et logistique.

En marge de ce plan produits, le constructeur vient d’ailleurs de présenter une nouvelle cellule de batterie, développée conjointement avec le fabricant Northvolt. Lors des tests de validation, celle-ci a démontré une durée de vie s’élevant à 1,5 million de kilomètres, soit l'équivalent de la durée de vie totale d’un camion.

Le financement et l’offre de services s’adaptent à la e-mobility

Pour accompagner l’électrification de sa gamme, Scania a également mis à jour son offre de services. A commencer par ses solutions de financement. Intégrant désormais le financement des bornes de recharge si nécessaire, celles-ci ont également été adaptées au nouveau contexte d’inflation et de remontée des taux.

"Si la durée moyenne des plans de financement s’élevait à 60 mois, elle peut atteindre 72 mois sur des motorisations thermiques désormais. Avec l’électrification, les durées s’allongent compte tenu de la valeur des véhicules, et sont comprises entre 84 à 96 mois", commente Laurence Eluère, directrice commerciale & business developpement de Scania Finance France.

Dans les ateliers, le service après-vente s’adapte également à l’arrivée des véhicules électriques. Le réseau Scania, qui compte 100 points de vente dans l’Hexagone, va investir quelque 12 millions d’euros en outillages, EPI, chargeurs, formation, etc.

"C’est un vrai changement de paradigme pour nos techniciens. Beaucoup de formations vont être engagées ces prochains mois, aussi bien sur ces nouvelles technologies de motorisations que sur la sécurité. D’ici à la fin 2027, tous nos sites seront habilités B2XL. Nous allons aussi accompagner cette transformation avec le recrutement de nouvelles compétences", conclut Stéphane Boidin, directeur services.