Les constructeurs regrettent la pression électrique
Jeudi 5 décembre se tenait le dernier Club de la distribution automobile (CDA) de 2024 de la Feda. Une fois n'est pas coutume, l'organisation a centré son événement sur le véhicule industriel. Une première table ronde était ainsi dédiée aux challenges qu'implique la transition énergétique des secteurs du poids lourd et du véhicule utilitaire. Un rappel, tout d'abord : le parc des véhicules de plus de 3,5 tonnes représente quelque 624 000 unités en France, dont une bonne moitié de camions, avec une moyenne d'âge en hausse : 8,1 ans (+0,4 an en 4 ans).
"Ce qui est en train de se passer est un tsunami !"
Ceci étant dit, malgré les objectifs ambitieux annoncés, entre Vecto et les 50 % de ventes électriques en 2030, le parc reste à 98 % composé de camions diesel. Les 2 % restants sont majoritairement des véhicules au gaz, et l'électrique reste plus que marginal.
"En tant que constructeurs, on nous tord le bras pour aller vers l'électrique, alerte Gilles Baustert, directeur marketing et communication de Scania. Cependant, nous ne savions pas ce qu'était un camion électrique il y a cinq ans. Et en 2030, nous devrons immatriculer la moitié de nos camions en électrique, soit 3 000 unités par an. C'est une technologie qu'on ne connaît pas, qui coûte 3,5 fois plus cher que le diesel, avec des aides qui ne sont pas au rendez-vous, des infrastructures qui mettent du temps à se mettre en place, et il faut former nos réseaux avec de nouveaux outillages et connaissances. Mais les amendes, elles, ne bougent pas. Ce qui est en train de se passer est un tsunami !"
"L'équilibre du système n'a pas été pensé"
Allant dans son sens, Clément Chandon, responsable des propulsions alternatives d'Iveco, estime que la réglementation mériterait d'être améliorée. Comme le font généralement les constructeurs, il a rappelé l'intérêt du mix énergétique : "La décarbonation du TRM est en route : on a presque 12 % de nos immatriculations hors diesel. Mais 90 % de cette décarbonation est faite de biocarburants, alors que l'Europe ne veut que de l'électrique et de l'hydrogène. Mais l'équilibre du système n'a pas été pensé et cela fait peser un danger existentiel au constructeur."
Affichant la même "anxiété" sur le sujet de la décarbonation, François Perrot, manager énergies alternatives de Renault Trucks, avance de son côté que les ventes de camions électriques ne décollent pas à cause de la "mise initiale", trop élevée. Renault Trucks revendique 70 % du marché du camion électrique en France, représentant 3 % de son mix (quand la moyenne est à 1 %). "Le marché du poids lourd stagne, mais ce n'est pas la plus grosse difficulté ; nous devons mettre à la route des véhicules décarbonés et investir dans plusieurs technologies", résume ce dernier.
L'intérêt des biocarburants a ainsi été rappelé. Chaque intervenant a insisté sur le bienfondé d'un mix énergétique, a minima dans une logique de transition. "Le HVO est un carburant extraordinaire car il résiste au froid, est miscible et performant, mais l'aérien va en capter une partie et les stations-services, qui peuvent désormais le distribuer, sont encore timides", analyse néanmoins Gilles Baustert.
Mais cette diversité des solutions dans la transition énergétique n'est pas sans conséquence pour les constructeurs. "On court tous les lièvres à la fois !", insiste le directeur marketing et communication de Scania.
Autrement dit, sans cadre réglementaire plus souple, le secteur risque de voir ses ambitions freinées par des contraintes économiques et techniques toujours plus lourdes. Une course contre la montre s’engage donc, où chaque technologie pourrait s’avérer déterminante pour façonner l'avenir du transport routier.