La taxe poids lourds fait gronder en Alsace
C'était attendu, c'est désormais une réalité : les élus de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) ont adopté lundi 21 octobre 2024, par vote de principe, la taxe R-Pass. Celle-ci vise à taxer tous les poids lourds de plus de 3,5 tonnes circulant sur les routes alsaciennes (autoroutes A35 et A36). La contribution sera de 15 centimes d'euros par kilomètre à partir de 2027.
Une économie régionale fragilisée
Cette nouvelle ne passe pas auprès des organisations professionnelles. L'Union TLF a rapidement affirmé son "profond désaccord" avec cette décision. "Adoptée sans concertation véritable avec les acteurs économiques locaux, elle représente une menace directe pour la pérennité du transport routier alsacien déjà fortement fragilisé par la conjoncture actuelle et l'ensemble de l'économie régionale", précise l'organisme.
De son côté, le Collectif pour la compétitivité de l’économie alsacienne (CCEA) déplore que le vote ait eu lieu "malgré les mises en garde constantes des acteurs économiques alsaciens et les nombreuses alertes concernant les effets délétères de cette taxe pour l’économie locale". Le CCEA rappelle que le coût de la taxe finirait par être répercuté sur le consommateur final, qui verra son pouvoir d'achat amputé. "La CEA a promis des compensations aux entreprises locales touchées par la taxe, mais ces engagements restent vagues et incertains", est-il précisé.
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"Les acteurs économiques alsaciens, en particulier les transporteurs déjà en grande difficulté, sont profondément inquiets. Cette mesure incompréhensible pourrait avoir des répercussions désastreuses sur leurs entreprises, l’emploi et la compétitivité de notre région", ajoute l'OTRE Grand-Est.
À côté des enjeux environnementaux ?
Selon l'Union TLF, la taxe R-Pass, qui prétend répondre à des enjeux environnementaux, fait fausse route. "Elle créera même l'effet inverse de celui recherché. En ponctionnant les entreprises de transport, elle réduira drastiquement leur capacité d'investissement dans le verdissement de leurs flottes et leurs projets de transition écologique, sans aucune réduction effective des émissions de CO2", précise TLF dans un communiqué. Elle estime que 10 % des entreprises de transport alsaciennes pourraient être condamnées par la mesure, ce qui entraînerait la suppression de plus de 1 500 postes.
"L’Union TLF, aux côtés du CCEA, appelle la CEA à revenir sur cette décision irresponsable et à engager une véritable concertation avec les acteurs économiques régionaux pour explorer des solutions alternatives et durables. Il est essentiel de privilégier des mesures qui soutiennent l'économie locale tout en répondant aux enjeux environnementaux, plutôt que de sanctionner aveuglément des entreprises déjà fragilisées", commente Marie Breton, déléguée régionale de l’Union TLF Est.
Un "faire-part de décès"
Christophe Schmitt, représentant de la CCEA, clame de son côté : "Les acteurs économiques alsaciens restent mobilisés et déterminés à se faire entendre. Nous partageons les préoccupations de nos concitoyens concernant la sécurité routière et l’environnement, mais le R-Pass n’apporte pas la réponse adaptée à ces enjeux. Il est encore temps de reconsidérer cette décision et de rechercher des solutions plus équilibrées qui préserveraient à la fois l’environnement et la compétitivité des entreprises. Des alternatives existent, comme un péage intelligent, une meilleure gestion des itinéraires et horaires de poids lourds, ainsi que le développement du transport multimodal."
Dès la semaine dernière, la CCEA avait ironiquement publié un "faire-part de décès de la Compétitivité de l'économie alsacienne" : "Après avoir résisté à de multiples crises – qu'elles soient sanitaires, conjoncturelles ou politiques – la compétitivité de notre territoire a finalement succombé sous le poids de la taxe R-Pass, mesure qui a marqué un tournant fatal pour l’économie alsacienne."