Taxer les camions pour sauver le rail ? Le secteur routier s’y oppose

La réaction du secteur ne s’est pas fait attendre. En proposant une nouvelle contribution des poids lourds pour financer l’entretien du réseau ferroviaire, Jean-Pierre Farandou, président du groupe SNCF, a relancé un sujet sensible. Présentée comme une "éco-contribution" ciblant les camions étrangers en transit, cette mesure est perçue comme un retour déguisé de l’écotaxe.
Pour les organisations représentatives – la FNTR, l’OTRE et l’Union TLF –, cette proposition est inacceptable. Le transport routier, rappellent-elles, a déjà été mis à contribution lors de la suspension de l’écotaxe en 2014, avec une hausse de fiscalité sur le gazole de 4 centimes par litre, représentant environ 600 millions d’euros par an.
Un secteur sous pression fiscale et réglementaire
La contestation se fonde également sur une réalité économique difficile. Avec des marges parmi les plus faibles d’Europe et une exposition directe à la concurrence étrangère, les transporteurs français disent ne pas pouvoir absorber une charge supplémentaire. La filière supporte déjà plus de 4 milliards d’euros de fiscalité spécifique chaque année.
Les fédérations pointent aussi l’iniquité d’un dispositif censé ne concerner que les camions étrangers. En droit européen, une telle distinction serait intenable juridiquement. "En pratique, ce sont bien les entreprises françaises qui paieront", affirment-elles dans leur communiqué commun.
Des effets contre-productifs pour l’environnement
Les fédérations rappellent qu’un soutien au rail ne peut se faire au détriment de la route. Le transport combiné, seule activité ferroviaire en croissance, repose précisément sur une complémentarité entre les deux modes. Une taxation accrue des poids lourds risquerait de freiner les investissements dans des véhicules moins polluants, voire de remettre en cause la dynamique du report modal.
"Le développement du fret ferroviaire ne se fera pas contre le transport routier, mais avec lui", insistent-elles. Une vision partagée par Jean-Thomas Schmitt, président de l’Union TLF, qui dénonce une approche déconnectée de la réalité économique des transporteurs.
"Nous sommes fermement opposés au retour de l’écotaxe ou à toute nouvelle charge sur un secteur déjà à bout. Les transporteurs français, parmi les plus taxés et ayant les marges les plus faibles d’Europe, contribuent au financement des infrastructures bien au-delà de leur part réelle dans le trafic", ajoute le président.
Une ligne rouge clairement tracée
Ce débat réactive une fracture ancienne entre les ambitions politiques pour le rail et les réalités économiques de la route. Les organisations du TRM appellent à ne pas opposer les deux modèles, mais à penser leur complémentarité dans une logique de filière. Elles demandent également un engagement clair de l’État en faveur d’une fiscalité stable et d’un accompagnement structuré de la transition énergétique du transport routier.
Dans un contexte où la compétitivité et la pérennité des entreprises sont déjà fortement éprouvées, toute tentative de renchérissement des coûts sans concertation apparaît comme une ligne rouge. Le message est clair : pas question pour les transporteurs de porter seuls le financement du ferroviaire.