MAN et Neste plaident en faveur du HVO 100
L’électrique arrive, mais il ne faut plus attendre. Voilà l’un des messages adressés par les dirigeants de MAN et Neste, réunis à Rotterdam (Pays-Bas) le 25 mai 2023. Il y a un an, le constructeur et le producteur de carburant renouvelable signaient un partenariat pour promouvoir les biocarburants. Une collaboration nécessaire, compte tenu des objectifs de la marque dans le domaine de la décarbonation. “Les sujets de développement durable sont tout autant importants pour nos clients que pour nos collaborateurs, et sont au coeur de notre stratégieˮ, affirme Jean-Yves Kerbrat, directeur général de MAN Truck & Bus France.
Le constructeur compte notamment, en interne, équiper l’ensemble de ses sites en énergie renouvelable. C’est déjà le cas de celui de Nuremberg (Allemagne). Mais la majorité des émissions liées au monde du transport vient bien des véhicules, et MAN s’active pour contribuer à leur réduction. “Le transport est un élément majeur pour la décarbonation, et nous avons un rôle significatif à jouer pour contribuer à la réduction des émissions de CO2ˮ, confirme Jean-Yves Kerbrat, qui avance un objectif de réduction de 70 % des émissions de CO2 pour MAN entre 2019 et 2030.
Une alternative en attendant l'électrique
“Comment atteindre cet objectif ?ˮ, interroge rhétoriquement le directeur général. D’abord par l’électrification des gammes de véhicules. “Nous pensons que l’électrique représentera 50 % de nos ventes en 2030. Cela va s’accélérer, car le TCO de ces véhicules devrait être, dès 2025 ou 2026, aussi compétitif que celui d’un thermique. Économiquement, nos transporteurs auront donc intérêt à basculer vers cette énergie.ˮ Mais 50 % de ventes électriques ne signifie pas 50 % du parc en électrique. Environ 90 % des poids lourds en circulation en 2030 devraient encore être équipés d'une motorisation thermique. Raison pour laquelle MAN n’entend pas écarter la piste des carburants issus de matières organiques végétales renouvelables.
“Toutes les solutions alternatives sont meilleures que les solutions fossiles. Il faut donc développer des solutions de biocarburant qui sont simples à mettre en place et permettent de réduire les émissions de CO2ˮ, insiste Jean-Yves Kerbrat. Le directeur général estime qu’en France, 10 % des véhicules MAN roulent avec des biocarburants, du B100 ou du HVO. Pour ce dernier, l’utilisation n’est pas forcément exclusive. Mais toute la gamme MAN est bel et bien compatible avec le HVO, prouvant le potentiel de développement de ce carburant. En s’associant à Neste autour de ce biocarburant, MAN collabore avec un acteur de choix. Avec 250 employés et une capacité de production de 1,3 million de tonnes par an de produits renouvelables, dont une large part de HVO100, sa raffinerie de Rotterdam n’a pas d’égale en Europe.
En 2026, l’industriel finlandais devrait atteindre, dans le monde entier, une capacité totale de production de 6,8 millions de tonnes. Pour parvenir à de tels niveaux, des investissements ont été nécessaires, y compris à Rotterdam. Au total, 1,9 milliard d’euros ont été injectés pour étendre la raffinerie, qui doublera sa production (à 2,7 millions de tonnes par an). Une seconde unité de production sera notamment ouverte à 2 kilomètres de l’actuelle, et les deux seront reliées par pipelines. Neste dispose aussi d’une raffinerie à Singapour, et bientôt aux États-Unis. Son carburant “Neste MY Renewable Dieselˮ est présent en France depuis 2013, par l’intermédiaire de trois distributeurs : Altens, Bolloré Energy et Vallier Énergies.
Du carburant à base de déchets
Ce HVO100 (“hydrotreated vegetable oilˮ, soit “huiles végétales hydrotraitéesˮ) est bien le biocarburant phare de Neste. Il dispose de deux avantages majeurs : il est compatible avec tous les moteurs diesel et permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 90 % par rapport au diesel fossile. Comparé au biodiesel, le diesel renouvelable offre, en outre, plusieurs atouts. “Il a la même composition chimique que le diesel classique, et sa combustion est donc plus propre et plus efficaceˮ, expose Peter Zonneveld, vice-président commercial Europe et APAC de Neste. “En 2022, 95 % de nos matières premières étaient des déchets.ˮ Ceux-ci peuvent être issus de l’industrie alimentaire : résidus de graisse animale ou de poisson, d’huile de friture ou végétale, etc.
“Nous effectuons des recherches pour trouver d’autres matières premières : algues, déchets forestiers, etc.ˮ, annonce Peter Zonneveld. À noter que Neste a cessé d’utiliser de l’huile de palme dans sa production de biocarburant. Le dirigeant s’appuie sur différents rapports pour estimer qu’à horizon 2030, 40 millions de tonnes de déchets seront disponibles dans le monde. Cela coïnciderait avec une demande grandissante en diesel renouvelable : plus de 50 millions de tonnes, contre moins de 10 millions actuellement.
Dans la raffinerie de Rotterdam, Neste conserve le HVO100 dans de multiples cuves d’une capacité de 15 millions de litres. Les matières premières sont quant à elles conservées à 68°. “C’est nécessaire, sinon elles se solidifient, comme l’huile de friture quand vous laissez refroidir votre friteuse après utilisationˮ, nous explique-t-on sur place. Avant cette étape, la matière première est acheminée par bateau, la raffinerie se trouvant au niveau du port maritime de Rotterdam Une fois déchargée à quai, elle est transférée dans l’unité de prétraitement. Une nouvelle zone, plus grande, ouvrira prochainement pour prétraiter une plus grande quantité de matière première. Celle-ci est filtrée et purifiée à l’argile. Ensuite, le produit est transporté dans l’unité principale de raffinage. Les atomes sont recombinés et le produit passe dans l’unité d’isomérisation. Les atomes sont séparés pour créer du diesel renouvelable, du propane renouvelable et du naphta renouvelable.
Appel aux pouvoirs publics
Le HVO a une composition chimique similaire à celle du diesel fossile. Cette ressemblance chimique permet au diesel renouvelable d’être utilisé dans tous les moteurs diesel jusqu’à une concentration de 100 %, ou d’être mélangé dans n’importe quelle proportion avec du diesel fossile. Il s’agit donc d’un carburant “drop-inˮ, qui peut être ravitaillé sans aucune modification. Un atout sérieux pour les flottes de transporteurs qui n’ont pas à craindre la panne sèche.
Pour s’assurer d’une utilisation maximale, certains exploitants n’hésitent pas à s’équiper de cuves. C’est le cas des Transports Trans-Scotti, spécialisés sur les flux entre Aquitaine et Rhône-Alpes. La société, dont les véhicules parcourent quelque 3 millions de kilomètres par an, dispose d’une cuve de 50 000 litres d’HVO à Bordeaux, et d’une de 30 000 litres à Lyon. “Nous avons fait le choix du HVO en 2021, après une étude comparative des différentes technologies disponibles. Nous avons réalisé 50 % de nos approvisionnements avec ce carburant en 2022, et plus de 90 % depuis le début de l’année 2023, détaille Jean-Louis Lager, cogérant de Trans-Scotti. Nous voyons le HVO comme une énergie transitoire en attendant des technologies plus performantes.ˮ
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Pour accélérer cet essor du HVO100 et des biocarburants en général, Jean-Yves Kerbrat appelle à une meilleure “libéralisation de leur distributionˮ. Le directeur général de MAN Truck & Bus France conclut : “Nous avons besoin de toutes les solutions pour décarboner le transport, mais il y a des barrières législatives en France. La part du gâteau des investissements publics pour les biocarburants s’est réduite. Il faut augmenter les investissements et adopter un système de taxes plus attractif. Par ailleurs, nous souhaitons que la vignette Crit’Air 1 soit accordée aux véhicules roulant à l’HVO100, dès lors qu’il est utilisé en exclusif.ˮ
Man n'oublie pas l'électrique
Si sa volonté de promouvoir le HVO100 est grande, MAN ne met pas de côté ses ambitions électriques. Rappelons que certains transporteurs roulent déjà avec l’eTGM du constructeur. Les camions électriques de 18 à 40 tonnes sont prévus pour une commercialisation en 2024 pour les tracteurs, et en 2025 pour les porteurs. Côté bus, le constructeur a déjà enregistré 600 commandes en Europe pour son Lion’s City E. Cet autobus électrique est disponible en version électrique depuis 2020 pour le 12 mètres, et depuis 2021 pour le 18 mètres. Une version 10 mètres sortira dès cette année.
Neste, un géant du carburant renouvelable
Le groupe Neste a été fondé en 1948 dans le but de sécuriser l’approvisionnement en pétrole de la Finlande. Dans les décennies suivantes, l’entreprise connaît une croissance constante, se dotant de deux raffineries à Naantali (1957) et à Porvoo (1965), qui seront agrandies à plusieurs reprises. Progressivement, l’entreprise diversifie ses activités : gaz naturel, exploration, production, produits chimiques, etc.
Dans les années 1970, Neste devient la plus grande entreprise finlandaise, jouant notamment un rôle important dans l’équilibre commercial avec la Russie. Quelques années plus tard, Neste déploie une enseigne de stations-service de détail en Finlande, dans les pays Baltes et dans le nord-ouest de la Russie. Après son entrée à la bourse d’Helsinki en 1995, le groupe fusionne quelques années plus tard avec le fournisseur d’énergies Imatran Voima pour former Fortum Corporation. La société poursuit son activité jusqu’en 2005, date à laquelle l’activité pétrolière est rattachée à une entreprise distincte.
Neste amorce alors un changement de cap dans sa stratégie et se fixe pour objectif de devenir le premier producteur mondial de diesel renouvelable. Grâce à sa technologie propriétaire NEXBTL, l’industriel transforme les graisses en molécules susceptibles de remplacer les matières premières fossiles dans la production de combustible. La production de diesel renouvelable démarre alors à Porvoo, tandis que deux nouveaux sites de fabrication voient le jour à Singapour et à Rotterdam, en 2010 et 2011. S’affirmant aujourd’hui comme le premier producteur mondial de diesel renouvelable et de carburant durable pour l’aviation, Neste fait partie de la liste Global 100 des entreprises les plus durables au monde.