TRIBUNE - Eric Hémar (TLF) : "Méga-camions : pourquoi pas ?"
Tout au long de la semaine, on a crié haro sur "les méga-trucks" (ou "méga-camions", ndlr). Tous les arguments étaient bons pour aller à l’encontre du vote du Parlement européen sur la directive "poids et dimension" : sécurité routière, transition écologique, report modal, coût pour les infrastructures routières… Quelle horreur, nous pourrions nous réveiller demain avec des méga-camions sur nos routes de campagne ! Comment ne pas s’insurger ?
Sauf que… la réalité est tout autre ! Les arguments utilisés par les opposants au texte européen sont pour la plupart infondés, pour certains carrément fallacieux et toujours reposant sur un écologisme de pacotille. Pour ceux d’entre nous qui sommes attachés à concilier la performance économique et la transition écologique, il nous a paru indispensable de rétablir quelques vérités :
Avoir des camions plus grands, c’est d’abord tout simplement avoir moins de camions sur les routes.
Avoir des camions plus grands, c’est aussi l’assurance de baisser très significativement l’empreinte carbone par produit transporté car la consommation énergétique du véhicule est répartie sur un plus grand nombre de marchandises. Accessoirement, c’est donner de la capacité en volume et en poids pour porter des batteries ou des moteurs hydrogène dont chacun sait dès aujourd’hui la place qu’elles occupent par exemple dans une voiture particulière électrique ou hybride.
Avoir des camions plus grands enfin, c’est participer à la compétitivité des entreprises industrielles françaises pour les aider à mieux exporter leurs produits ou importer leur matière première sans laisser nos seuls voisins bénéficier de ce nouvel avantage prix.
A ceux qui estiment que cela porterait atteinte au report modal, on leur fera remarquer que le train ou le fleuve ne remplacera pas le camion dans beaucoup de nos territoires et que ces modes de transport ont déjà fort à faire pour garder leurs trafics là où leur pertinence est avérée.
Le texte du Parlement européen ne revient en aucun cas à déverser sur nos routes des méga-camions de 60 tonnes. Le texte prévoit seulement que, dès lors que deux Etats membres les autorisent, alors le passage de la frontière est facilité.
Les Etats membres sont et seront encore, si le texte est adopté, en capacité de restreindre la circulation de ces véhicules à certains poids et dimensions ou sur certains axes spécifiques.
Il permettrait tout à fait à la France de circonscrire la circulation des véhicules les plus lourds à certains corridors où il n’y a ni fleuve, ni rail et de privilégier certains grands axes de manière à ce que l’impact sur la chaussée soit strictement circonscrit en privilégiant les routes les plus importantes.
Ce texte a été voté par des députés appartenant à des pays européens qui sont plus en avance que nous sur les mesures environnementales. Ils ont mieux compris que nous ce que l’on appelle "la massification" et son impact positif sur l’environnement. Pourquoi la France serait encore une fois à la traîne ?
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Nous appelons de nos vœux une chaine logistique durable qui préserve le pavillon français dans la compétition européenne tout en contribuant à la décarbonation de notre économie. Les transporteurs et les logisticiens y travaillent au quotidien avec les clients chargeurs pour convertir les flottes, développer le report modal là où il est pertinent, implanter les entrepôts au niveau des barycentres de flux de transports… Mais nous avons pour cela besoin d’un débat public pragmatique et sans dogmatisme. Ce sujet des "méga-camions" est une illustration du chemin qui reste à parcourir en la matière !