GRDF mobilise la filière transport autour du bioGNV

Le circuit de l’Ouest Parisien, à Dreux, a servi de cadre à un événement inédit organisé par GRDF autour du BioGNV, le 15 mai dernier. Transporteurs, constructeurs (Iveco, Scania), énergéticiens (Engie-GNVERT, Endesa) et donneurs d’ordre ont répondu présent pour cette journée mêlant essais de véhicules, ateliers et retours d’expérience. "C’est la première fois que GRDF organise une telle manifestation à destination des acteurs du transport", soulignait Élodie Dupray, cheffe du pôle mobilité chez GRDF.
L’ambition de l’événement était claire. "Montrer que la transition énergétique n’est pas un futur lointain, mais une réalité déjà concrète", selon Laurent Cheroux, directeur commercial de GNVERT (Engie). Le biogaz apparaît aujourd’hui comme une solution crédible pour décarboner rapidement les flottes de poids lourds.
Le biogaz, une énergie de transition locale et accessible
Au cours de cette journée, les intervenants ont martelé un message pragmatique : le BioGNV est une technologie disponible, éprouvée et adaptée à de nombreux usages. GRDF, principal gestionnaire du réseau de distribution de gaz en France, accompagne notamment l’essor de la méthanisation agricole, industrielle et territoriale. En 2024, plus de 750 unités de méthanisation ont ainsi injecté du biométhane dans les réseaux en France. Une croissance multipliée par 7 en seulement cinq ans.
Selon GRDF, cette production atteint désormais une capacité de 14 TWh, soit de quoi faire rouler l’équivalent de 60 000 poids lourds. La filière ambitionne d’atteindre 45 TWh en 2030, et 130 TWh en 2050, selon les objectifs fixés par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Élodie Dupray, cheffe du pôle mobilité chez GRDF, a ouvert la journée en rappelant les ambitions de la filière : atteindre 100 % de bioGNV dans le GNV distribué en France en 2033. ©GRDF
"Aujourd’hui, 43 % des poids lourds roulant au gaz utilisent du BioGNV, alors qu’ils n’étaient que 2 % il y a dix ans", souligne Élodie Dupray. Un kilomètre sur deux parcouru par un poids lourd au gaz est désormais totalement décarboné. L’objectif est d’atteindre les 100 % d’ici à 2033.
Le réseau d’approvisionnement suit la même dynamique. Sur les 257 stations GNV ouvertes en France, 207 distribuent déjà du BioGNV, soit 80 % du maillage.
Un mix énergétique favorable au biogaz
Parmi les chargeurs déjà convaincus par cette alternative au diesel, le groupe La Poste, invité à cette journée, a partagé son retour d’expérience. "Dès 2019, nous avons investi dans le GNL, mais aujourd’hui nous convertissons nos installations vers le BioGNV. Le GNL n’a plus d’intérêt stratégique à mes yeux", a affirmé Christophe Baboin, directeur transport & livraison services courrier-colis. "Notre objectif est de décarboner 50 % de nos kilomètres poids lourds d’ici 2030. Pour cela, le mix énergétique est incontournable."
Dès le départ, La Poste a inclus le bioGNV dans son mix. "L’hydrogène a été étudié, mais sans mise en œuvre à ce jour, et j’y crois de moins en moins.... Quant aux biocarburants, ils ont été intégrés comme complément, mais de manière mesurée. Malgré leur attractivité financière, ils suscitent des interrogations : leur disponibilité future, leur impact environnemental réel...", détaille Christophe Baboin.
Christophe Baboin (La Poste) a défendu un mix énergétique pour décarboner 50 % des kilomètres poids lourds d’ici 2030. ©GRDF
Ce choix du mix énergétique est partagé par les transporteurs partenaires du groupe, et notamment Alpak Transport. "Aujourd’hui, sur notre flotte de 40 camions, 8 roulent au BioGNV. Nous visons 70 % de véhicules non-diesel à horizon 2030", a indiqué le directeur général de la société de transport normande, Kamran Riaz. Ce dernier a précisé que cette transition a été rendue possible grâce à l’ouverture d’une station BioGNV à Évreux et à l’engagement clair de son client donneur d’ordre.
Stabiliser les prix pour sécuriser les investissements
La question du coût a largement été abordée lors des échanges. Si le biogaz permet de réduire les émissions, il demeure légèrement plus cher que le diesel à l’usage dans le contexte actuel. Pour y faire face, Engie propose des mécanismes de fixation des prix.
"Fixer un prix, c’est avant tout garantir une stabilité des dépenses dans le temps. Il ne s’agit pas de spéculer, mais d’avoir une stratégie rationnelle", a insisté Laurent Cheroux. Le directeur commercial de GNVERT a rappelé que les transporteurs peuvent désormais contractualiser leurs prix de gaz sur des périodes de deux à quatre ans. Une solution plebiscitée par Élodie Dupray, qui a invité les professionnels du TRM à "changer de culture".
"Les transporteurs ont été éduqués au diesel, avec des ajustements de prix au mois. Le gaz, lui, permet de se couvrir dans la durée. Ce n’est pas toujours le prix le plus bas, mais c’est un prix stable."
Carrefour et Perrenot : un engagement commun
Autre illustration concrète : le retour d’expérience croisé de Carrefour et du groupe Perrenot, partenaire logistique historique du distributeur. "Nous avons fait le choix du biogaz il y a près de dix ans, alors que les pressions réglementaires n’étaient pas aussi fortes qu’aujourd’hui", a rappelé Mourad Bensadik, directeur supply chain du groupe Carrefour.
Mourad Bensadik (Carrefour) a rappelé l’engagement de long terme du distributeur en faveur du biogaz, engagé dès 2012 via une démarche collaborative avec ses transporteurs partenaires. ©GRDF
L’entreprise consacre un budget annuel d’environ 570 millions d’euros au transport, géré par une soixantaine de transporteurs partenaires. Ce choix anticipé s’est concrétisé, en 2012, avec la création du Cercle des transporteurs, structure collaborative destinée à accompagner la transition via des contrats de long terme.
"Un acteur seul ne peut rien. C’est toute la chaîne – chargeurs, transporteurs, fournisseurs – qui doit s’engager", a insisté Philippe Cuoc, directeur général de Jacky Perrenot. Sur les 6 000 moteurs que compte le transporteur, environ 20 % roulent aujourd’hui en motorisation décarbonée, dont une part importante au biogaz.
Une approche collaborative indispensable
Si la filière biogaz n’en est plus à ses débuts, reste à inventer le modèle économique pérenne qui permettra de concilier contraintes opérationnelles, visibilité sur les prix et engagement collectif des acteurs du transport.
Au-delà des aspects techniques ou économiques, les acteurs invités par GRDF ont tous insisté sur la nécessité d’une approche collaborative. Comme le résume Mourad Bensadik : "La décarbonation ne se fera pas dans une logique purement tarifaire. Il faut co-construire des plans de transport qui soient à la fois économiquement viables et plus vertueux sur le plan environnemental."