Renault Trucks et le groupe Volvo en mode reman à Limoges
À quelque 10 km du centre-ville de Limoges (87), une usine discrète de remanufacturing est implantée. Pourtant, 260 employés y travaillent, et sa surface industrielle avoisine les 22 000 m². Y est réparée et rénovée une dizaine de familles de pièces de poids lourds : boîtes de vitesses, filtres à particules (FAP), capteurs de NOx, moteurs 4-8 L, silencieux, injection, kits chemise pistons, pièces unitaires, électronique, etc.
Pour qui ? Les différentes marques du groupe Volvo : Volvo Trucks et Renault Trucks, évidemment, mais aussi Volvo CE, Mack Trucks, Volvo Buses ou encore Volvo Penta.
20 % de reman pour Renault Trucks en après-vente
"La rénovation permet de fabriquer une pièce en réutilisant jusqu'à 85 % de matériaux et en économisant 80 % d'énergie par rapport à une production en neuf. Le tout en garantissant les mêmes performances que ce produit neuf, pour un prix inférieur d'environ 30 %. Nous sommes capables de livrer jusqu'à 15 ans après la fin de série", détaille Stéphane Covasso, directeur de l'usine depuis janvier 2024.
Aujourd'hui, environ 20 % des pièces Renault Trucks vendues en après-vente sont issues de l'économie circulaire, avec un objectif d'atteindre les 30 % en 2030. Le constructeur français compte 2 000 références en stocks (90 % de disponibilité). L'usine fournit ses pièces rénovées à ses magasins centraux (France, Belgique et États-Unis), qui livrent ensuite les points de vente régionaux aux quatre coins du monde. Ces derniers fournissent alors les concessionnaires Renault Trucks et Volvo Trucks. Et les carcasses récupérées retournent à l'usine pour être remises à neuf.
Un process en dix étapes
Le process de rénovation bien rôdé comporte dix étapes clairement définies. La première est l'inspection initiale de la carcasse collectée. Ensuite, elle subit un prélavage et démontage. Vient après le nettoyage, puis le diagnostic et l'inspection de chacun des composants. En cinquième, ces derniers sont rénovés. Puis vient le remplacement des éléments défectueux. La septième étape est celle de l'assemblage, avant les essais des organes, la peinture et l'emballage, puis enfin la livraison du produit remanufacturé à l'entrepôt.
Dans l'usine, après passage sur le grand banc de nettoyage, les pièces sont séparées en deux flux : les pièces périphériques d'un côté, les pièces principales de l'autre, qui partent en usinage. Selon le type de pièce, le process n'est évidemment pas le même dans l'usine. Chacune dispose d'ailleurs de ses postes de travail et de ses équipes dédiées.
1 200 moteurs rénovés par an
Pour un moteur, il faut 10 à 15 jours entre la demande du client et l'expédition du produit remanufacturé. Une fois la pièce démontée et nettoyée, chaque élément est identifié par des jetons. L'objectif est de remonter un maximum de pièces qui viennent de la même carcasse. Soit ce sont celles d'origine qui sont rénovées et réinstallées, soit des équivalentes neuves : pas de pièce adaptable.
Dans l'usine de Limoges, un moteur peut être rénové jusqu'à trois fois. Le banc d'essai permet ensuite de vérifier que toutes les performances attendues sont au rendez-vous, grâce à tout un tas de capteurs. "On est presque sur du 100 % de réussite du premier coup. S'il y a le moindre écart, des techniciens viennent faire les réglages nécessaires", précise Stéphane Covasso. En 2024, 1 200 moteurs rénovés sont sortis de Limoges.
Après le remanufacturing, les moteurs passent sur un banc d'essai pour vérifier leurs performances. ©JPL/FLM
Investissement sur les boîtes de vitesses
Avant et après le nettoyage des boîtes de vitesses. ©JPL/FLM
On compte également 6 300 boîtes de vitesses, dont environ 80 % pour les marques Volvo, et 20 % pour Renault Trucks. "C'est un poste critique car le moindre pignon défectueux va impacter toute la pièce", ajoute Stéphane Covasso. Si un élément de la pièce n'est pas récupérable, un substitut neuf est ajouté. Un magasin de composants neufs est d'ailleurs intégré dans les murs de l'usine, mais l'objectif répété est d'en utiliser le moins possible. Soulignons que la chaîne dédiée aux boîtes de vitesses a fait l'objet d'un million d'euros d'investissement cette année, donc les effets se feront ressentir à horizon 2026.
Les 2 700 silencieux rénovés en 2024 l'ont quant à eux été de façon totalement robotisée, avec une lignée montée en 2020 pour 14 millions d'euros d'investissement. La pièce la plus remanufacturée est le capteur de NOx : 108 000 unités en un an. "Nous avons réussi à féminiser cette partie car il y a moins de problématique de charge", commente le directeur d'usine.
La partie rénovation de capteurs de NOx concentre plus de femmes que la moyenne. ©JPL/FLM
L'essor du FAP
Le FAP est de plus en plus rénové. ©JPL/FLM
On ajoutera 18 000 injecteurs et 90 000 sous-ensembles rénovés l'an dernier… et 57 000 filtres à particules. Un poste qui a particulièrement évolué ces dernières années. Et pour cause : "Nous faisions deux FAP par jour en 2013, contre 280 aujourd'hui", affirme Stéphane Covasso. Un FAP encrassé ne pouvait initialement être rénové qu'une fois. Mais le groupe a designé une machine "unique au monde" à 1,4 million d'euros : elle permet de mesurer avec précision le niveau de conversion chimique des gaz d'échappement. "On injecte du monoxyde de carbone dans le filtre et on regarde à partir de quelle température la moitié du CO est convertie en CO2. On peut alors remettre le filtre sur le marché si un certain nombre de critères sont respectés", résume le dirigeant.
En attendant la mise en service de la machine, l'usine avait mis de côté pendant deux ans 12 000 FAP qui avaient déjà été nettoyés une fois, et qui ont depuis été remis sur le marché. La limite du nombre de nettoyage possible du FAP par la machine n'est pas encore connu. Ce qui est certain, c'est qu'il faut à peine 10 heures entre le déballage du FAP encrassé et le remballage du FAP rénové. Une vingtaine d'opérateurs est dédiée à ce poste, les équipes tournant en 3x8, avec également une équipe de week-end. Quand d'autres pièces ne tournent qu'avec une équipe de jour la semaine.
Un CA en forte hausse
De plus en plus nombreux, les FAP représentent désormais 18 % du chiffre d'affaires réalisé par l'usine. Il y a encore cinq ans, les boîtes de vitesses cannibalisaient encore l'activité avec 60 % du CA. Si ce sont toujours les pièces les plus bankables, leur part est tombée à 38 % en 2024. Derrière, les capteurs de NOx, qui ne comptaient que pour 0,5 % en 2021, avoisinent désormais le quart (23 %) de l'activité.
On retrouve ensuite les moteurs (13 %), les sous-ensembles (5 %) et la partie injection (3 %). Ce chiffre d'affaires, il augmente continuellement, prouvant la demande croissante en pièces rénovées. L'usine de Limoges a connu une croissance record de 20 % en 2024 pour atteindre les 60 millions d'euros de CA. "La tendance pour la première moitié de 2025 est bonne, on devrait rester sur ce niveau", conclut Stéphane Covasso.