2023 : des ventes en trompe-l’œil ?
"Jusqu’ici tout va bien". C’est le mot d’ordre que retient Arnaud Villéger, directeur de l’Observatoire du véhicule industriel (OVI), à la lecture du bilan du marché PL 2023. À leur première lecture, les résultats semblent effectivement encourageants : avec 48 733 véhicules neufs (+5 tonnes) immatriculés à novembre 2023 (en glissement de 12 mois), le secteur affiche une croissance de 10,7 %. Les porteurs sont en hausse de 11,1 % tandis que les tracteurs progressent de 10,7 %.
Quant aux VUL (+5 tonnes), leurs ventes ont bondi de 6,3 %. Pour ce qui concerne les remorques et semi-remorques, les immatriculations sont en recul de 5,6 % à 20 200 unités pour les onze premiers mois de 2023, alors que leur niveau se situait entre 21 000 et 22 000 unités les trois années précédentes.
In fine, c'est un retour à la normale qui semble se confirmer pour le marché du poids lourd. "Nous purgeons les carnets de commandes", souligne Arnaud Villéger. Après un exercice 2022 pénalisé par les retards de livraison, les délais de mise à la route se sont effectivement raccourcis (150 jours en moyenne contre le double l’année précédente). Le secteur a également capitalisé sur la résilience de certains marchés du BTP, portés par les grands chantiers.
Un marché en sous-régime
Mais ces chiffres positifs cachent une réalité plus contrastée selon l’OVI, qui pointe du doigt une baisse des carnets de commandes avec un recul par rapport à 2022 de 20 % pour les tracteurs neufs et de 9,7 % pour les tracteurs. D'ailleurs, l’Hexagone n’affiche pas le même dynamisme que ses voisins européens, à l’instar de l’Allemagne qui voit ses immatriculations croître de 23 %, tandis que le Royaume-Uni progresse de 18 % sur la même période.
Selon Arnaud Villéger, plusieurs facteurs conjoncturels peuvent expliquer ce manque d’allant. À commencer par l’inflation. L’enquête réalisée par l’OVI révèle que la hausse des prix pour les tracteurs neufs a atteint 9,2 % en moyenne et 9,5 % pour les porteurs en 2023. Les VUL (+7,8 %) n’ont guère été mieux lotis.
Une transition énergétique en pointillés
Autre raison qui peut justifier ces ventes en demi-teinte : les incertitudes autour de la transition énergétique. Si les alternatives au diesel (gaz, électrique, biocarburants, etc.) tendent à se développer, ces véhicules suscitent peu d’intérêt auprès des transporteurs. "La part de clients intéressés par les nouvelles énergies est en recul à 6,5 % en 2023 contre 8 % l’année précédente", observe Arnaud Villéger, qui précise que les principales interrogations reposent aujourd’hui sur l’électrique.
Rappelons que la crise énergétique et la variation des coûts de l’électricité et du gaz n’ont pas poussé les flottes à se détourner du diesel. En outre, si l’électrique apparaît (du moins pour l’Europe) comme la solution d’avenir pour la décarbonation du transport, cette technologie reste très onéreuse.
D’autant que les aides à l’acquisition mises en place par les pouvoirs publics pour ces véhicules n’ont pas été accessibles à tous les transporteurs. En effet, le dernier appel à projets "écosystèmes des véhicules lourds électriques", visant à accélérer la décarbonation du transport routier, a essentiellement profité aux plus grandes flottes. "Le dossier pour l’appel à projet est trop compliqué pour une ETI, qui plus est en raison de son résultat hypothétique", regrette le directeur de l’OVI.
Des prévisions prudentes pour 2024…
En raison de ces différents éléments, l’Observatoire se montre donc particulièrement prudent pour ses prévisions de l’année en cours. Estimant que cet exercice 2024 sera marqué par un effet ciseaux entre la fin de l’allongement des délais de livraison et la baisse des commandes, l’organisme table sur deux scénarios. Une première estimation pessimiste avec 45 700 immatriculations, soit un recul de 6,4 %, et une hypothèse plus optimiste à 49 818 unités, soit une légère hausse de 2 %.
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"Trois facteurs pourraient faire basculer le marché : les délais de livraison, la confiance des entreprises et les Jeux olympiques qui pourraient avoir un impact significatif. […] Le mix des énergies alternatives sera le vrai indicateur à suivre cette année", conclut Arnaud Villéger.