Vers un écosystème "zéro émission" en Auvergne-Rhône-Alpes
Lancé en 2018, le projet européen ZEV, coordonné par la région Aura (Auvergne-Rhône-Alpes) a pour ambition de déployer la mobilité hydrogène avec l’ouverture d’une quinzaine de stations sur le territoire régional d’ici 2026. Pour ce faire, plusieurs instances ont élaboré un partenariat public-privé : la Région, Engie, Michelin, la Banque des Territoires et le Crédit Agricole. De ce rapprochement est née l’entité commerciale baptisée HYmpulsion. Celle-ci met en place les structures hydrogène du projet et assure leur exploitation.
Une septième station en Aura
Le 15 novembre 2024, HYmpulsion a ainsi inauguré la septième station hydrogène de son réseau à Valence, dans la Drôme. "Cette dernière a nécessité 3,6 millions d’euros, cofinancé par HYmpulsion avec le soutien de l’Ademe et de l’Union européenne. C’est la première station dans la Drôme et elle ouvre un axe sud-nord stratégique entre Valence et Lyon avec notamment la présence de l’A7, alors que jusqu’ici le développement s’était fait sur un axe est-ouest. Elle a une capacité de distribution journalière d’une tonne, beaucoup plus importante que les stations précédentes, elle s’avère donc parfaitement adaptée à la mobilité lourde : bus, cars, camions", confie Jean-Christian Beaumont, directeur général d’HYmpulsion.
La station de Valence délivre ainsi de l’hydrogène à 350 bars pour les véhicules lourds et à 700 bars pour les véhicules légers et lourds. C’est la plus grande station ouverte à ce jour. Elle affiche une capacité de distribution quotidienne de 1 000 kg/jour. Cela offre la possibilité à une vingtaine de camions de faire le plein (en moyenne entre 40 et 60 kg par camion). Elle complète le maillage composé jusqu’ici d’une station à Clermont-Ferrand (63), de deux stations dans l’agglomération lyonnaise (à Saint-Priest et Vénissieux, 69), de deux stations en Savoie (Moûtiers et Chambéry) et d’une à Saint-Egrève (38).
Pour alimenter en hydrogène son réseau, HYmpulsion pourra bientôt compter sur son partenariat avec Lhyfe (voir ci-dessous), en complément de son électrolyseur situé dans la station de Clermont-Ferrand d’une puissance de 2 mégawatts.
Un partenariat d’ampleur avec Hyliko
L’inauguration de cette station valentinoise a également été l’occasion pour HYmpulsion et Hyliko de présenter leur partenariat, souligné par la présence d’un camion Hyliko rétrofité lors de l’événement. "L’idée de ce rapprochement était d’avoir un package complet pour les clients de la mobilité lourde, avec à la fois un véhicule, l’offre de leasing, la maintenance, la fourniture d’hydrogène et la recherche de subventions", détaille Jean-Christian Beaumont.
Le partenariat comprend ainsi un contrat d’interopérabilité permettant aux clients d’Hyliko et d’HYmpulsion de se rendre indifféremment dans les stations des deux réseaux pour se recharger en hydrogène, grâce à un identifiant et un badge unique. Pour rappel, Hyliko a ouvert l’été dernier un pôle hydrogène à Villabé (Essonne) dédiée aux poids lourds, se composant à la fois d’une station d’avitaillement et d’un centre de maintenance.
Une offre clé en main
Les deux acteurs proposent également une offre de mobilité clé en main. Hyliko est capable de fournir aux clients des réseaux HYmpulsion des véhicules lourds de 26 à 44 tonnes, tout en déduisant les subventions nationales et régionales existantes à l’instar du projet ImagHYne sur le territoire (Investment to Maximise the Ambition of Green Hydrogen iN Europe, qui vise à accélérer la production d’hydrogène en Aura, ndlr).
"Notre objectif est d’agréger toutes les briques, en fournissant des camions soit rétrofités, soit neufs (principalement Hyundai actuellement, sachant que la majorité des constructeurs arriveront sur le marché d’ici 2028-2030, ndlr), nous les accompagnerons dans le choix du véhicule en fonction de leur usage. De la même manière, sur le réseau hydrogène, nous avons créé un premier écosystème en région parisienne. Mais nous n’avons pas vocation à construire des stations hydrogène partout, donc notre objectif est de s’appuyer sur des réseaux partenaires, à l’instar d’HYmpulsion en Aura. La vertu du modèle est d’agréger toutes les composantes. Souvent, les clients ont du mal à réunir toutes les briques. Ils ont le camion mais pas la maintenance, ou pas la station pour s’approvisionner. Il y a aussi le fait de supporter l’investissement, puisque ça coûte plus cher que le diesel, donc nous proposons du paiement à l’usage, en appliquant une baisse de loyer en fonction des différentes aides que nous pouvons recevoir, notamment en Aura grâce au projet ImagHYne", complète Alexandre Fornes, directeur mobilité d'Hyliko.
Bientôt une cinquantaine de cars hydrogène
La station de Valence peut donc désormais accueillir à la fois des bus, des cars, des camions et des véhicules légers pour leurs avitaillements. La région a d’ailleurs annoncé une cinquantaine de cars hydrogène qui arriveront d’ici 3 ans, dont 5 ou 6 viendront s’approvisionner à Valence. À terme, cette dernière devrait accueillir un tiers d’autocars, 40 % de poids lourds et le reste de VUL. Au global, la région, dans le cadre de son projet ZEV, prévoit l’accompagnement à l’achat de 400 VL et VUL et de 80 véhicules lourds (dont 50 autocars).
D’ici deux ans, HYmpulsion devrait avoir ouvert un total de 16 ou 17 stations en région Aura avec pour mission de déployer plus d’un millier de véhicules à hydrogène sur les routes à horizon 2028.
Préparer l’avenir de l’hydrogène
À la suite de l’inauguration, un temps d’échanges avec les partenaires d’HYmpulsion était organisé. Plusieurs acteurs ont ainsi pu présenter les véhicules et les offres déjà disponibles sur le marché, en particulier les solutions quant à la mobilité intensive, à l’instar de GCK, d’Hyliko, d’Hyvia ou encore d’Hysetco.
Le directeur commercial d’Hyvia (coentreprise Renault/Plug), William Lefevre, a notamment rappelé les avantages de l’hydrogène en termes d’autonomie et de disponibilité (gain de temps pour réaliser un plein) : "L’objectif de l’hydrogène est d’adresser le marché du diesel, véritable couteau suisse, en complément de l’électrique mais pour des usages plus intensifs en termes de distance et de disponibilité." Pour le moment, Hyvia propose des générations pilotes de Renault Master produits en petite série, avec deux systèmes de stockage différents de l’hydrogène en fonction des besoins (charge utile ou autonomie), disponibles en LLD avec maintenance incluse. Dès fin 2025, début 2026, une nouvelle génération de Master fera son apparition avec une autonomie portée jusqu’à 700 Km.
900 km d'autonomie en 2026
De son côté, Hyliko a mis en avant ses solutions en mobilité lourde, avec plusieurs témoignages clients dont celui de Point P, qui possède un tracteur hydrogène qui opère de Villabé à Orléans (environ 400 km) chaque jour. "Nos prochains véhicules livrés auront une autonomie de 500 km. En 2026, nous aurons une évolution vers le 700 bars pour atteindre 900 km d’autonomie", précise Alexandre Fornes.
Enfin, GCK Mobility, qui a déjà mis à la route des autocars (notamment pour les JO) et doit en livrer pour la région Aura en 2025, a présenté son offre en expérimentation d’un moteur à combustion hydrogène. Contractualisé avec Keolis et Iveco, cet autocar sera en test sur la route en 2025. "Quant aux camions, qu’il s’agisse de 44 tonnes ou de camions de chantier, nous avons des demandes, et nous souhaitons lancer l’expérience d’un camion rétrofité avec moteur à combustion. Nous avons déjà livré des véhicules rétrofités tout électriques, nous livrons actuellement des camions rétrofités à piles à combustible et maintenant nous sommes à la recherche de partenaires prêts à s’engager sur un volume de véhicules afin pouvoir mettre à la route en 2026 un premier camion de chantier rétrofité avec moteur à combustion hydrogène", interpelle Aymeric Dupuy, responsable commercial pour GCK Mobility.
En somme, un après-midi riche en échanges et pourvoyeur de solutions pour continuer à développer la mobilité hydrogène sur le territoire rhônalpin.
Lhyfe ouvre son plus grand site de production d’hydrogène vert
En octobre dernier, Lhyfe a posé la première pierre de son usine de production d’hydrogène vert à Le Cheylas (38). Celle-ci est située sur l’ancien site de stockage des déchets d’Ascométal (7 000 m2). Elle permettra dès 2025 de produire directement jusqu’à 4 tonnes d’hydrogène vert par jour. Il s’agira ainsi du plus grand site de Lhyfe en France avec 10 MW de capacité d’électrolyse : l’hydrogène sera en effet produit par électrolyse de l’eau et à partir d’électricité issue d’énergies renouvelables.
En outre, cette usine de Le Cheylas fournira à HYmpulsion dès l’année prochaine et pour une période de 10 ans, jusqu’à 1,6 tonne d’hydrogène vert et renouvelable. Elle assurera ainsi la fourniture en hydrogène des 7 stations mises en place par HYmpulsion sur l’arc alpin, dont celle de Valence fraîchement inaugurée, pour, à terme, un volume de 600 tonnes par an, soit 1,6 t /jour. Elle pourra également approvisionner les industriels de la région Aura en remplacement du gaz naturel ou de l’hydrogène gris.