Camion électrique : Renault Trucks veut se tailler la part du lion
"Robuste". C'est le qualificatif choisi par Christophe Martin, directeur général de Renault Trucks France, pour commenter l'exercice 2024 qu'a connu le constructeur. La marque a immatriculé 14 452 véhicules en France, soit une progression de 10 %. Avec une part de marché de 30 % en France sur les camions de plus de 6 tonnes, Renault Trucks consolide sa position de leader. "Nos clients nous sont restés fidèles, et nous en avons conquis de nouveaux", se félicite le dirigeant.
Pour 2025, en revanche, les prévisions sont à la baisse. "Force est de constater qu'il y a une certaine morosité, poursuit Christophe Martin. À fin février, les immatriculations ont déjà dévissé de 15 %. Le contexte politique et économique, avec plusieurs défaillances d'entreprises, n'incite pas à la confiance. En fin d'année, nous estimons que le nombre d'immatriculations de poids lourds oscillera entre 41 et 43 000, contre 48 472 en 2024. Néanmoins, nous restons confiants car nous avons une marque et un réseau forts. Et nous avons notamment une belle emprise sur l'électromobilité."
76 % de part de marché sur l'électrique
C'est un euphémisme. Renault Trucks a immatriculé 510 des 670 poids lourds électriques en France, soit 76 % du marché. "Nous électrifions près de trois fois plus vite que le marché : l'électrique représente 3,5 % de nos ventes. Au total, plus de 1 000 camions E-Tech sont en exploitation en France, et ont déjà parcouru plus de 20 millions de kilomètres", annonce Aymeric Larcher, directeur commercial grands comptes de Renault Trucks France depuis l'été 2024.
Comme reconnu par les dirigeants, le constructeur bénéficie notamment de son historique favorable sur certains segments de marché. "Les premières initiatives de décarbonation concernent principalement les porteurs et les grands comptes, ce qui nous est favorable, concède Christophe Martin. Mais notre succès repose aussi sur notre rôle de précurseur, grâce à nos investissements et à notre usine de Blainville-sur-Orne (14), où nous assemblons des camions électriques depuis quatre ans."
Le constructeur a par ailleurs souligné, lors de l'annonce de ses résultats le 27 février 2025, l'intérêt des CEE – le nouveau format d'aides à l'acquisition de camions électriques. "Financés par les fournisseurs d’énergie, ces certificats sont plus simples à mettre en œuvre que les appels à projets et permettent d’obtenir des aides significatives : 60 000 € pour un tracteur, et entre 30 000 et 60 000 € pour un porteur, selon la configuration", résume Aymeric Larcher. Christophe Martin complète : "Les résultats des appels à projets étant publiés simultanément, les commandes étaient passées au même moment, compliquant ainsi les démarches."
De gauche à droite : Aymeric Larcher, directeur commercial grands comptes de Renault Trucks France ; Nathalie Fontaine, DRH de Renault Trucks France ; Christophe Martin, directeur général de Renault Trucks France. ©JPL/FLM
Une réglementation plus contraignante pour tous les acteurs du transport ?
Par ailleurs, le directeur général appelle de ses vœux une mise en mouvement de l'ensemble de l'écosystème pour favoriser la prise de pouvoir du "zéro émission" dans le transport. Le dirigeant plaide pour davantage d’obligations d’achat de véhicules électriques par les collectivités locales, notamment pour les bennes. Il se montre également favorable à un certain nombre d'avantages pour ces motorisations : places de stationnement réservées, horaires de livraison élargis, etc. Parmi ses autres suggestions, le dirigeant soutient un partage des contraintes, avec les chargeurs notamment, alors que la menace Vecto ne plane que sur les constructeurs à l'heure actuelle.
"Je ne souhaite pas qu'on revienne sur la réglementation car certains constructeurs, comme nous, se mettent en ordre de marche pour y arriver. Mais c'est un scandale que ce soit ceux qui proposent les solutions qui se trouvent sanctionnés. Nous devrions être aidés. Il faudrait que les chargeurs, comme les enseignes de distribution et les collectivités locales, soient contraints également", préconise Christophe Martin.
Renault Trucks vise 900 camions électriques en 2025
Dans le contexte actuel, le dirigeant juge irréaliste l’objectif de 50 % de ventes de camions électriques en 2030. "Nous visons 35 % en Europe, ce qui nous permettra d'éviter de payer les pénalités Vecto qui seraient mortifères", ajoute-t-il. En France, Renault Trucks vise entre 5 et 6 000 ventes annuelles de poids lourds à batteries, avec un objectif de 800 à 900 unités dès 2025. Pour le patron, l'objectif est clair : "Il est impensable que nous ne conservions pas, à terme, au moins 50 % du marché des camions électriques en France."
Renault Trucks s'attelle par ailleurs à proposer une solution complète à ses clients : gestion de projet, accompagnement sur l'infrastructure de recharge, formation, mise à la route du véhicule, suivi d'exploitation et de maintenance à distance, etc. Rappelons aussi que les premiers Renault Trucks E-Tech T devraient arriver sur les routes d'ici à 2026. Ces tracteurs à l'autonomie annoncée de 600 km embarquent un essieu électrique, et s'appuient sur la technologie de Volvo Trucks (Renault Trucks fait partie du groupe Volvo) et de son FH Electric longue distance, également proposé à la commande en 2025.
Sur l'hydrogène, Renault Trucks suit d'ailleurs de loin ce que fait le groupe Volvo, sans s'intéresser de près au sujet pour le moment. Un petit mot sur le B100 : le constructeur français a immatriculé près de 2 000 camions B100 exclusif en 2024 dans l'Hexagone, affichant une part de marché de 70 %. "Nous pensons que c'est une solution de transition qui a permis à nos clients d'enclencher leur transition énergétique, notamment sur le tracteur longue distance. Mais ce ne sera qu'une transition. L'électrique sera la meilleure solution face au champ de contraintes qui arrive", conclut Christophe Martin.