Bilan 2024 des véhicules industriels : y a-t-il péril en la demeure ?
"Des chiffres alarmants ? Je ne sais pas. Mais il est certain qu'ils ne sont pas bons." Ce constat dressé par Arnaud Villéger, directeur de l’Observatoire du véhicule industriel (OVI), pendant la présentation du bilan de l'année 2024 côté VI, résume la situation. D'un point de vue global, le nombre d'immatriculations en France sur les plus de cinq tonnes augmente de moins de 1 %, à 48 946 unités. Avec de fortes disparités.
En effet, si les porteurs affichent une hausse considérable avec 23 398 immatriculations (+14,7 %), celles pour les tracteurs sont en chute libre, de -10,2 % (25 548 unités). Et cela concerne toutes les configurations.
670 immatriculations électriques
Sans surprise, les poids lourds roulant au diesel ont encore représenté 90 % des immatriculations en 2024. Ils étaient 43 967. "On ne va pas passer à 70 % l'an prochain, le diesel restera extrêmement majoritaire", prévient Arnaud Villéger. Derrière, les camions roulant au B100 exclusif continuent de percer, avec 2 723 immatriculations. Alors que le GNV continue de perdre du terrain, à 1 560 unités (-10 %). "L'énergie gaz n'est pas en péril, mais les choses ont changé, il y a plus de concurrents, et forcément la part du gâteau se réduit", analyse le directeur de l'OVI.
Avec 670 immatriculations, et malgré un premier semestre assez faible, un plus grand nombre de poids lourds électriques a fini par être mis à la route en 2024. "Si l'on considère que les délais d'approvisionnement sont normaux, les commandes suivant l'appel à projets 2023 de l'Ademe déboucheront sur des livraisons en 2025, et celles de 2024 en 2026. Je pense ainsi que l'on dépassera les 1 000 immatriculations en 2025, et que ça décollera ensuite", prévoit Arnaud Villéger, qui constate par ailleurs que l'intérêt des clients entrant en concessions pour les nouvelles énergies croît légèrement (9 %, contre 8 % en 2023). Mais aussi et surtout que les commandes générées augmentent vraiment (50 % des intéressés l'an dernier, 66 % désormais).
Les carnets de commandes se vident
D'une manière générale dans le VI, les délais de mise à la route se réduisent de plus en plus. Environ un an en 2022, 150 jours en 2023, et désormais 87 jours, soit le niveau le plus bas depuis 2019 (111 jours pour un véhicule nécessitant carrossage). Si ces délais de livraison se réduisent, c'est notamment parce que les carnets de commandes se remplissent moins rapidement. "On enregistre un recul des ventes de VI de 34 % côté tracteurs et de 27 % côté porteurs" déplore Arnaud Villéger, malgré des prix désormais stabilisés, voire en légère baisse (environ -2 %).
Côté camions d'occasion, le constat concorde avec un marché peu dynamique. Les délais de revente se rallongent : 73 jours à fin 2024 en moyenne, contre 50 en décembre 2023. Pour les tracteurs, près de 80 % des distributeurs ont dû baisser leurs prix, de 14 % en moyenne. La part n'est "que" de 50 % pour les distributeurs de porteurs, qui ont diminué leurs prix de 11 % en moyenne. Autre point à signaler sur ce segment : les VO partent de plus en plus hors d'Europe. Cela concerne 17 % des reventes à fin 2024, contre seulement 1 % à fin 2023. La part de reventes en France diminue donc, de 44 % à 37 %.
Forte baisse des immatriculations en 2025 ?
La baisse de remplissage des carnets de commandes pour les constructeurs pousse l'OVI à prévoir un marché en forte baisse pour 2025. L'organisme du groupe BNP Paribas estime qu'il y aura entre 41 000 et 44 500 immatriculations de VI de plus de cinq tonnes. Cela signifierait une baisse comprise entre 9 et 16 %. Les porteurs, après leur hausse en 2024, devraient le plus souffrir (entre -18,8 et -23,1 %), alors que la très mauvaise année 2024 des tracteurs devrait se confirmer (entre 0 et -10 %).
Les perspectives pessimistes des exploitants, la contraction des parcs, le contexte économique défavorable, les contraintes réglementaires coûteuses, ou encore l'augmentation des coûts d'exploitation sont des facteurs qui devraient ralentir le marché du VI. Avec une question de l'OVI en conclusion : "Comment les entreprises vont-elles répondre aux nouvelles exigences environnementales tout en restant compétitives ?"