Les poids lourds entrent dans l'ère de l'économie circulaire

Jusqu'à présent cantonnées aux VP et VUL, les règles européennes sur la fin de vie des véhicules s'appliquent désormais à l'intégralité de la filière poids lourd. L'accord provisoire, conclu le 12 décembre, impose aux camions et motos les mêmes exigences de collecte, dépollution et démontage obligatoire de pièces que celles qui régissent déjà les VP. Seuls les constructeurs de faibles volumes de véhicules lourds à usage spécial échappent à ces nouvelles contraintes.
Cette extension de périmètre répond à un constat : sur les 6 millions de véhicules en fin de vie générés chaque année dans l'UE, une part croissante concerne les utilitaires et poids lourds. Leur traitement inadéquat entraîne des pertes considérables de matières premières, alors que le secteur automobile reste l'un des plus gourmands en ressources du continent.
Du plastique recyclé obligatoire dès 2031
Le texte fixe des seuils contraignants de matières recyclées dans les véhicules neufs. À partir de 2031, 15 % des plastiques incorporés devront provenir du recyclage, puis 25 % en 2035. Plus contraignant encore : au moins 20 % de ces plastiques recyclés devront être issus de véhicules en fin de vie, dans une logique de boucle fermée.
La Commission européenne devra également définir, sur la base d'une étude de faisabilité à venir, des quotas similaires pour l'acier, l'aluminium, le magnésium et les matières premières critiques. Ces matériaux représentent des volumes considérables : plus de 7 millions de tonnes d'acier et près de 2 millions de tonnes d'aluminium sont consommés chaque année par l'industrie automobile européenne.
Traçabilité renforcée
Chaque année, 3,5 millions de véhicules disparaissent des radars européens sans passer par les filières officielles de traitement. Exportations douteuses, démantèlements sauvages, trafics divers : le phénomène prend de l'ampleur. Pour y remédier, le règlement instaure des critères précis permettant de déterminer quand un véhicule bascule du statut d'occasion à celui de déchet.
Une fois ce seuil franchi, impossible de le revendre ou de l'exporter : direction obligatoire vers un centre de traitement agréé. Les transferts de propriété entre professionnels feront l'objet d'un encadrement strict. Pour les particuliers, une approche ciblée s'appliquera dans les situations à risque : véhicules déclarés perte totale par les assureurs ou transactions en ligne sans remise physique du bien.
Les constructeurs responsables jusqu'au bout
L'accord renforce considérablement le principe de responsabilité élargie des producteurs. Les constructeurs devront financer et organiser la reprise gratuite ainsi que le traitement de leurs véhicules en fin de vie, où qu'ils se trouvent dans l'Union. Un mécanisme transfrontalier garantit que cette obligation financière s'applique quel que soit l'État membre où le VHU termine sa carrière.
Autre mesure phare : l'interdiction d'exporter des véhicules d'occasion non conformes aux normes de circulation. Cette disposition, qui prendra effet cinq ans après l'entrée en vigueur du texte, vise à empêcher que l'Europe se débarrasse de ses rebuts en les envoyant polluer ailleurs.
"Nous avons réussi à nous accorder sur un cadre robuste qui ferme les échappatoires, garantit que les matériaux précieux restent dans l'économie de l'UE et freine l'exportation de véhicules polluants et non conformes vers les pays tiers", s'est félicité Magnus Heunicke, ministre danois de l'Environnement.
Le texte doit encore recevoir l'aval officiel du Conseil et du Parlement avant son adoption définitive. Il s'appliquera deux ans après son entrée en vigueur, laissant à la filière le temps de s'adapter à ces nouvelles exigences.
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