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Transport

MurielĀ Glad, Heppner : "Faire grandir Heppner dans un monde vivant et agile"

PubliƩ le 13 octobre 2025

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Par Mohamed Aredjal
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8 min de lecture
ƀ l'heure de son centenaire, Heppner trace sa feuille de route avec un objectif de 1,3Ā milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2027. MurielĀ Glad, directrice gĆ©nĆ©rale dĆ©lĆ©guĆ©e du groupe, revient sur l'ADN familial de l'entreprise et sur les leviers qui doivent soutenir sa croissance et sa transition vers un transport plus durable.
"Sur quatre générations, il y a d'abord un ADN de courage managérial", avance Muriel Glad. ©Heppner

Le Journal du Poids Lourd : 2025 marque les 100 ans d'Heppner. Que reprƩsente cet anniversaire symbolique pour vous et vos Ʃquipes ?

MurielĀ GladĀ :Ā C'est avant tout une trĆØs belle transmission de gĆ©nĆ©ration en gĆ©nĆ©ration, et une preuve de la durabilitĆ© qu'Heppner a su mettre en œuvre au fil du temps. Le groupe a traversĆ© plusieurs Ć©tapes marquantesĀ : cela a commencĆ© avecĀ Jean Schmitt, lors de l'acquisition en 1925 de l'entreprise de Jules Heppner, puisĀ Albert-FranƧois SchmittĀ a pris la suite, puisĀ Jean Schmitt, et aujourd'huiĀ Jean-Thomas Schmitt. C'est donc une histoire de succession familiale particuliĆØrement riche. Chaque gĆ©nĆ©ration a apportĆ© sa pierre Ć  l'Ć©difice et a contribuĆ© Ć  construire ce qu'Heppner est devenu.

C'est une fierté pour nous, et d'autant plus que beaucoup de collaborateurs ont de longues carrières ici, certains de 20, 30, voire 40 ans. La fidélité est une valeur forte dans l'entreprise. Personnellement, avec plus de 23 ans d'ancienneté, je me dis que j'ai moi aussi participé, à mon échelle, à ce siècle d'histoire. J'en ai vécu un quart.

JPL : Comment l'ADN familial et entrepreneurial du groupe a-t-il contribuƩ Ơ sa longƩvitƩ et Ơ sa capacitƩ d'adaptation ?

M.G. : Je pense que, sur quatre générations, il y a d'abord un ADN de courage managérial. Cela signifie savoir prendre les bonnes décisions au bon moment, que ce soit en matière d'acquisitions, de développement de produits ou d'internationalisation. Historiquement, nous étions centrés sur la ligne franco-allemande, et aujourd'hui vous voyez l'ampleur prise par le groupe Heppner. C'est grâce à ce mélange de courage et de vision qui est porté par chaque dirigeant.

Mais ce qui a rĆ©ellement structurĆ© la longĆ©vitĆ© du groupe, c'est notre organisation fondĆ©e sur la subsidiaritĆ©. Chaque responsable de centre de profit – qu'il s'agisse d'une agence, d'une BU, d'une direction rĆ©gionale ou d'une activitĆ© d'exploitation – est vĆ©ritablement aux commandes de son entreprise. Il a les manettes de l'innovation, de l'audace et de la gestion de son P&L [compte de rĆ©sultat, ndlr]. Cette autonomie responsabilise, crĆ©e une dynamique locale forte, et constitue un socle culturel partagĆ© par tous. C'est un ADN familial renforcĆ© par l'international, et surtout une culture d'entreprise que les actionnaires familiaux ont toujours entretenue et encouragĆ©e.

JPL : Vous affichez un objectif de 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2027 avec le plan Best 2027. Quels sont les principaux leviers pour atteindre cette croissance ?

M.G. : Premièrement, nous ne nous fermons à aucune opportunité. Nous restons à l'écoute du marché et de ce qui peut contribuer à notre développement, notamment dans certains segments comme l'aérien ou le maritime. Ce sont des axes qui présentent des perspectives réelles. Ensuite, nous nous appuyons sur nos piliers stratégiques. Ce plan à trois ans a été conçu pour renforcer encore davantage nos actions et générer plus de valeur.

L'internationalisation reste un levier majeurĀ : nous voulons continuer Ć  croĆ®tre, Ć  la fois par de nouvelles implantations et en valorisant nos sites existants Ć  l'Ć©tranger grĆ¢ce Ć  une offre enrichie et Ć  des services diffĆ©renciants. L'expĆ©rience client constitue un deuxiĆØme axe fort. Nous avons dĆ©jĆ  beaucoup travaillĆ© sur la mesure de la satisfaction, mais avec ce nouveau plan, nous voulons aller plus loin. Nous avons engagĆ© un ā€œRepackā€ de notre offre, c'est-Ć -dire une refonte et un enrichissement pour mieux rĆ©pondre aux enjeux actuels. Cela inclut l'Ć©conomie circulaire, par exemple, mais aussi des services de livraison planifiĆ©e ou prioritaire, notamment vers les particuliers. Ce sont des marchĆ©s de niche, mais porteurs, et nous voulons pleinement y investir.

Troisième levier : l'expérience collaborateur. Depuis plusieurs années, nous mettons l'accent sur la cohésion, la formation et l'adhésion des équipes. Et nous sommes convaincus que la réussite des trois années à venir passera par nos collaborateurs. C'est en leur offrant un environnement stimulant, des perspectives d'épanouissement, des carrières évolutives et des parcours de formation enrichissants que nous pourrons nous différencier et accompagner nos clients de manière originale.

Nous travaillons également sur l'expérience fournisseur. Nos partenaires sont essentiels à notre performance. Nous entretenons avec eux une relation étroite, que nous mesurons régulièrement, et nous cherchons à l'améliorer en continu. L'objectif est clair : collaborer avec les meilleurs prestataires, quelle que soit l'activité. Car travailler avec les meilleurs, c'est renforcer la qualité de service et tirer l'ensemble de notre performance vers ce que nous appelons l'excellence opérationnelle, jusqu'à la sous-traitance.

JPL : Quels sont vos derniers axes de dƩveloppement ?

M.G. : Un autre pilier stratĆ©gique fondamental est la RSE. Nous avons dĆ©jĆ  engagĆ© de nombreuses actions, mais nous allons plus loin. Nous diversifions nos Ć©nergies et accĆ©lĆ©rons la dĆ©carbonation de nos moyens. ƀ la fin de l'annĆ©e, nous intĆ©grerons des camions Ć©lectriques, nous renforƧons l'utilisation du biogaz, et nous dĆ©veloppons le multimodal, notamment rail-route. Toutes ces initiatives renforcent notre impact environnemental positif et crĆ©ent de la valeur supplĆ©mentaire pour nos clients.

Enfin, nous avons un dernier pilier transversalĀ : le digital. C'est un levier incontournable, qui doit nous permettre de capitaliser sur de nouvelles opportunitĆ©s. Cela recouvre l'intelligence artificielle, la data, et l'Ć©volution de nos outils de production, qui doivent nous apporter plus d'agilitĆ© et de valeur. Quand vous additionnez ces six piliers – internationalisation, expĆ©rience client, expĆ©rience collaborateur, expĆ©rience fournisseur et RSE –, avec en plus le digital comme fil conducteur, vous avez un modĆØle solide. C'est ce modĆØle qui doit nous permettre d'atteindre l'objectif de 1,3Ā milliard d'euros en 2027.

JPL : Dans le cadre de votre plan de décarbonation, vous vous êtes fixé l'objectif de 80 % d'énergie verte dans votre mix transport routier. Où en êtes-vous concrètement aujourd'hui ?

M.G. : Si je prends l'année 2024, puisque 2025 est en cours, nous avons déjà des résultats concrets. Nous avons réussi à éviter 6 144 tonnes de CO2 grâce à nos actions. Nous avons atteint 96 % de nos objectifs de conversion vers des véhicules à faibles émissions en France. Concrètement, cela signifie qu'en 2024, environ 26 % de nos livraisons ont été réalisées en faibles émissions, contre 18 % en 2023. Notre objectif pour 2025 est de 32 %. On voit bien la progression.

Au niveau européen, la situation est plus hétérogène, car les besoins et les infrastructures varient selon les pays. Mais nous accompagnons aussi nos sous-traitants et nos fournisseurs dans cette transition, vers le biogaz, l'électrique, et d'autres solutions alternatives.

JPL : Le groupe Heppner est prƩsent dans 10 pays et dessert 157 destinations. Quels marchƩs considƩrez-vous comme prioritaires pour les prochaines annƩes ?

M.G. : Ɖvidemment, l'Allemagne reste notre marchĆ© prioritaire. C'est notre marchĆ© historique et notre implantation la plus importante hors France. Mais nous avons aussi des prioritĆ©s sur l'Europe du Sud. Nous sommes prĆ©sents Ć  Barcelone, et nous voulons renforcer ce maillage. En parallĆØle, nous continuons Ć  consolider nos positions en Europe du Nord, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas. En rĆ©sumĆ©, l'Europe du Nord et l'Europe du Sud constituent deux axes stratĆ©giques essentiels pour Heppner.

JPL : Quelles synergies cherchez-vous Ơ crƩer entre vos diffƩrentes activitƩs ?

M.G. : Il y a beaucoup de synergies possibles. Dans l'aérien et le maritime, par exemple, nous travaillons sur les pré et post-acheminements. Nous voulons être capables de proposer à nos clients une solution intégrée, du départ à l'arrivée, dans une logique de "one-stop shopping". Même au sein de l'activité route, il existe des synergies. Entre l'affrètement, la messagerie et la palette, certains flux peuvent être optimisés et mutualisés. Nos clients nous sollicitent d'ailleurs pour cela : ils attendent que nous gérions leurs flux de la manière la plus optimisée possible. Nous sommes commissionnaires de transport, et notre rÓle n'est pas seulement de transporter, mais de trouver la meilleure solution. C'est précisément ce que permettent ces synergies entre nos différentes activités, logistique comprise.

JPL : Le recours au report modal est également cité comme un levier. Quels progrès réalistes pouvez-vous attendre dans ce domaine ?

M.G. : Nous faisons dĆ©jĆ  du multimodal, et cela parce que nos clients le demandent. Le marchĆ© rĆ©clame du multimodal, et Ć  juste titre. Nous dĆ©veloppons notamment des solutions vers l'Angleterre, l'Allemagne, les Pays-Bas, avec des dĆ©parts depuis l'Ǝle-de-France et le Sud de la France. ConcrĆØtement, nous combinons camion, train et bateau sur un mĆŖme flux. C'est cela, le multimodal.

C'est un marchƩ qui va croƮtre. Nous travaillons avec des partenaires, en particulier dans le rail, pour renforcer ce maillage, en France comme en Europe.

JPL : Est-ce une demande franƧaise ou europƩenne aujourd'hui ?

M.G. : Il y a quelques demandes europĆ©ennes, mais la demande la plus forte est franƧaise. La France est probablement plus en avance dans cette recherche de solutions vertes. Les infrastructures compliquent parfois la mise en œuvre, mais l'Ɖtat et le gouvernement nous incitent Ć  avancer. L'Allemagne et les Pays-Bas commencent aussi Ć  demander du multimodal, notamment pour des flux retour.

JPL : Le digital et l'IA font partie de vos priorités. Concrètement, comment ces technologies changent-elles déjà vos opérations et vos services ?

M.G. : Le digital n'impose pas une stratƩgie diffƩrente, il accompagne notre stratƩgie actuelle. CƓtƩ clients, par exemple, nous dƩveloppons de plus en plus d'API complexes, au dƩtriment des EDI. Cela permet d'intƩgrer plus rapidement des services de data et d'Ʃchanges. C'est une demande forte de nos clients.

Le digital accompagne aussi notre stratégie RSE, notamment dans la mesure et le suivi de nos émissions de CO2. Et il est essentiel pour la cybersécurité, car il s'agit de protéger nos données mais aussi celles de nos partenaires et clients, qui nous confient des informations sensibles. Bref, le digital est partout : il sert la RSE, les clients, les flux, la data, et il est un levier d'accélération dans tous nos axes stratégiques.

JPL : Et concernant l'IA ?

M.G. : Nous travaillons sur plusieurs usages. Par exemple, nous dƩveloppons des algorithmes capables de simuler des trajets et des donnƩes, afin de proposer des schƩmas optimisƩs. L'IA est utilisƩe comme aide Ơ la dƩcision, et non pas comme dƩcisionnaire. Nous l'expƩrimentons Ʃgalement via certains de nos outils internes, comme notre intranet. Et d'autres tests sont en cours dans notre direction informatique.

JPL : Vous mettez en avant des équipes très engagées, avec un indice de confiance de 76 % et neuf pays certifiés Great Place to Work. Comment expliquez-vous cette dynamique sociale dans un secteur souvent sous tension ?

M.G. : C'est vrai que le transport est un mĆ©tier sous tension, et qu'il n'est pas simple de fidĆ©liser ou d'engager les collaborateurs. Mais notre culture d'entreprise joue un rĆ“le dĆ©terminant. La subsidiaritĆ©, la possibilitĆ© d'oser, le droit Ć  l'initiative – et mĆŖme le droit Ć  l'Ć©chec – sont des Ć©lĆ©ments structurants. Nos valeurs ne viennent pas d'en hautĀ : elles ont Ć©tĆ© dĆ©finies par les salariĆ©s eux-mĆŖmes, et c'est ce qui explique leur force. Elles nourrissent l'engagement et crĆ©ent ce climat dans lequel il fait bon travailler. Ce n'est pas qu'une question de conditions matĆ©rielles, mais aussi d'esprit familialĀ : Ć©coute, partage, considĆ©ration. Chacun apporte sa pierre Ć  l'Ć©difice. Nous avons Ć©galement investi dans la formation, avec l'UniversitĆ© Heppner, et dans la modernisation de nos outils pour accompagner nos collaborateurs. L'ensemble crĆ©e une dynamique qui explique notre certification Great Place to Work dans neufĀ pays.

JPL : Quels projets sont en cours pour renforcer la formation et l'attractivitƩ du groupe, notamment via l'UniversitƩ Heppner ?

M.G. : L'UniversitĆ© Heppner rassemble chaque annĆ©e les talents de demain, sur plusieurs sessions, pour leur faire dĆ©couvrir l'ensemble des mĆ©tiers de l'entrepriseĀ : finance, marketing, exploitation, etc. Elle existe depuis longtemps – je l'avais moi-mĆŖme suivie il y a prĆØs de quinzeĀ ans –, nous la modernisons pour rĆ©pondre aux Ć©volutions de l'entreprise, du marchĆ© et des attentes clients.

Nous avons aussi lancĆ© ā€œHeppner Progressā€, un programme de formation en virtuel accessible Ć  tous les salariĆ©s, cols blancs ou cols bleus. Des espaces dĆ©diĆ©s dans les agences leur permettent de se connecter. Nous dĆ©veloppons de nouveaux types d'apprentissage, comme la rĆ©alitĆ© virtuelle, trĆØs apprĆ©ciĆ©e par les collaborateurs, notamment pour les formations Ć  la sĆ©curitĆ© et aux gestes et postures. Cela remplace avantageusement les formations classiques en salle. Ces outils numĆ©riques et pĆ©dagogiques renforcent notre attractivitĆ© et permettent de rendre plus agrĆ©able l'apprentissage dans un mĆ©tier parfois rude. C'est une faƧon d'accompagner nos collaborateurs dans la durĆ©e. La quatriĆØme gĆ©nĆ©ration, avec Jean-Thomas Schmitt, continue d'inscrire de nouveaux jalons pour faire Ć©voluer l'entreprise. Je n'y serai plus dans 100Ā ans, mais je suis convaincue qu'Heppner a encore de trĆØs belles perspectives pour les cent prochaines annĆ©es.

JPL : Si vous deviez résumer en une phrase l'ambition d'Heppner pour ces 100 prochaines années ?

M.G. : Faire grandir Heppner dans un monde vivant et agile, avec autant de sérénité et d'engagement de nos collaborateurs pour des siècles et des siècles. J'espère que la cinquième, la sixième et la septième génération porteront cette ambition à leur tour.

 

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Bio express

Avant de rejoindre Heppner, Muriel Glad a débuté sa carrière dans le transport express, chez Chronopost International. Elle y a exercé les fonctions d'animatrice qualité régionale, puis a intégré le hub international de Roissy. Elle rejoint le groupe Heppner en 2002 comme responsable qualité de la messagerie nationale. Au fil des années, elle élargit ses responsabilités en pilotant la maîtrise d'ouvrage (MOA) et le service indemnisation, avant d'accéder, après sept années, à la direction qualité et méthodes.

Souhaitant ensuite passer à l'opérationnel, elle rallie la filiale XP France en tant que directrice régionale. En 2019, Muriel Glad revient au siège du groupe pour occuper la fonction de directrice de l'excellence opérationnelle pendant deux ans. Elle est aujourd'hui directrice générale déléguée et responsable de la BU Western Europe, qui regroupe la France, la Belgique et l'Espagne.

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