Télépéage : sur la voie de l'innovation
Avec toujours le même objectif de fournir une unique solution de télépéage compatible dans tous les pays d'Europe, les fournisseurs de télépéage ajoutent d'année en année de nouveaux réseaux. Ces sociétés européennes de télépéage (SET) suivent de près l'intégration de nouveaux pays au système européen de télépéage EETS. Lorsqu'un pays y adhère, elles intègrent les péages concernés à leur boîtier. Cela passe par des mises à jour à distance des appareils puis une phase de tests de validation technique de la bonne ouverture des barrières ou de la géolocalisation GNSS des badges et véhicules. Une fois ces tests réalisés, les SET enclenchent le lancement commercial de nouvelles offres.
Dernièrement, les opérateurs ont validé la conformité de leurs télébadges avec le système de péage en Italie. L'opérateur AS24 a ainsi annoncé que son boîtier Passango est entré en phase de lancement opérationnel en Italie après obtention de l'autorisation de faire circuler des camions depuis mars 2024. L'ajout de la Suisse est également au programme cette année, le Conseil fédéral ayant voté la mise en place de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) à partir du 1er janvier 2025. En conséquence, une taxe sera intégrée aux frais de péage des transporteurs et pourra être calculée sur la base des trajets identifiés à l'aide des boîtiers de télépéage satellitaires.
Pour le moment, l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) a agréé les prestataires Telepass, Toll4Europe, Axxès et UTA, et indique que d'autres fournisseurs sont en cours de procédure d'agrément. Les autres réseaux à péage que les SET incluent dans leurs offres sont majoritairement ceux des pays de l'Est de l'Europe. Ces derniers mois, l'italien Telepass a ajouté les péages croates, slovaques et slovènes à son boîtier Telepass SAT K1. L'opérateur en fait profiter ses partenaires Eurotoll ou Negometal, qui utilisent son télébadge. Negometal, qui a rebaptisé le boîtier sous le nom NegoRoad, a officialisé l'ajout de ces pays au cours de l'été, comme l'a fait Eurotoll via son badge Lumesia 1 au même moment. Enfin, DKV, qui a lancé fin 2023 le badge DKV Box Italia dédié au péage italien, vient lui aussi d'intégrer le péage slovaque à son offre, de même qu'UTA en juin dernier. Ce sont ainsi 17 pays qui sont désormais couverts par les solutions de télépéage européennes des principaux acteurs du marché.
Des badges pour les VUL
Sur le marché concurrentiel du télépéage, les opérateurs cherchent à élargir leur clientèle, ou plus exactement les véhicules ciblés par les offres de télébadge. Le poids lourd reste le premier véhicule à embarquer une solution européenne interopérable, mais les SET se mettent à commercialiser de nouveaux badges “basiques”, destinés aux véhicules de moins de 3,5 tonnes. Ils visent les transporteurs qui disposent de flottes mixtes (composées de camions et d'utilitaires), les acteurs de l'express ou de la course qui doivent ponctuellement emprunter l'autoroute, ou encore les artisans ou techniciens d'interventions en tous genres.
En 2023, UTA a ainsi lancé le badge One Move pour les véhicules légers (jusqu'à 3,5 tonnes) qui utilisent les réseaux autoroutiers en France, Espagne, Portugal et Italie. Selon la filiale d'Edenred, ce nouveau badge DSRC, qui s'adresse aux gestionnaires de flotte dans ces quatre pays et aux clients internationaux qui les traversent, les aide à simplifier et à optimiser les processus administratifs. L'opérateur rappelle par exemple que le traitement électronique et la facturation évitent la manipulation d'argent liquide, et précise que les utilisateurs peuvent effectuer facilement des changements de véhicules et de plaques d'immatriculation en ligne, dans l'espace client UTA. "Depuis de nombreuses années, la solution de péage UTA One démontre son efficacité pour la mobilité de nos clients dans le secteur des transports et de la logistique à l'échelle européenne. UTA One Move étend ce service complet à une catégorie de véhicules plus légers. Cette innovation vient enrichir notre large portefeuille de solutions et confirme notre volonté de devenir un acteur incontournable du marché de la mobilité", déclare Carsten Bettermann, PDG d'UTA Edenred.
En mai dernier, le français Axxès a lancé une offre similaire, appelée "télébadge Méditerranée". "Avec ce nouveau télébadge DSRC pour les véhicules de moins de 3,5 tonnes, nous apportons à nos clients une solution complémentaire au boîtier satellitaire B'Moov, permettant à leur flotte de véhicules utilitaires de franchir simplement les péages et de bénéficier de nos services en ligne de gestion, de facture unique et d'alertes. Ce nouveau télébadge s'adresse aussi aux transporteurs européens, par exemple des pays de l'Est, qui ont recours aux VUL pour transporter des marchandises vers l'axe méditerranéen", commente Sylvie Billandon, responsable communication d'Axxès. Negometal propose également un badge Negolib dédié aux moins de 3,5 tonnes compatible en France, Espagne, Portugal et Italie depuis près de cinq ans.
Services digitaux renforcés
Outre l'extension de la couverture de leurs offres, les opérateurs de télépéage font régulièrement évoluer les technologies des appareils et les services digitaux associés à leurs solutions. Ces dernières années, les télébadges ont été couplés à des boîtiers télématiques additionnels afin d'ajouter des services de remontée des données sociales, d'envoi de missions sur une application mobile, de suivi des consommations de carburant, etc. On peut citer les solutions DKV Live, Eurotoll Lumesia, UTA SmartConnect, Telepass K-Master ou Axxès FleetOptim'. Ces solutions de gestion de flotte d'entrée de gamme sont proposées sous forme d'abonnement à des tarifs inférieurs à ceux des pures solutions télématiques des spécialistes du marché.
En parallèle, de nouvelles générations de télébadges satellitaires sont lancées par certaines SET. Le Telepass SAT K1 commercialisé depuis avril 2023 est par exemple nativement connecté à un boîtier télématique additionnel et donne accès aux services KMaster de collecte et d'exploitation des données techniques des véhicules. La nouveauté réside dans une application mobile associée au badge K1, présenté comme l'écran virtuel du conducteur et permettant de paramétrer la solution de télépéage et d'accéder à des services tiers (achat de carburant…).
Chez le concurrent UTA, le nouveau télébadge One Next proposé depuis l'an dernier est désormais compatible avec les réseaux de télécommunication 4G. Il fonctionne de concert avec l'application mobile UTA, qui permet de modifier les paramètres du véhicule (nombre d'essieux, catégorie du poids…) par synthèse vocale. UTA indique que le nouvel appareil peut être utilisé conjointement avec le service télématique UTA SmartConnect, qui fournit des informations plus détaillées sur les activités et les performances de la flotte.
De son côté, DKV a intégré à son portail Cockpit un outil de calcul des surcoûts de péage liés à la taxe carbone dans les pays où elle est en vigueur. Ce module, Mobility CO Class Check, permet notamment 2 d'identifier la classe d'émissions polluantes en fonction des caractéristiques du véhicule, qui doit désormais être indiquée lors de la commande d'un nouveau télébadge ou pour le calcul des frais de péage dans les pays taxateurs. Le prestataire a par ailleurs lancé au printemps 2024 une application mobile de contrôle automatisé des permis de conduire, en partenariat avec LapID. Cet outil répond à l'obligation des gestionnaires de flotte de contrôler au moins deux fois par an la validité des permis de conduire de leurs conducteurs et de documenter ces contrôles.
Le télébadge traditionnel voué à disparaître
Si le télébadge sous la forme d'un petit dispositif placé derrière le pare-brise du véhicule reste encore la norme, il est amené à évoluer. On voit déjà les SET ajouter à leurs badges existants des fonctions d'ouverture des barrières de péage via la connexion Bluetooth des smartphones. Cette connexion est possible nativement dans les récentes générations de camions connectés, et sera déployée de série sur les prochaines générations, de plus en plus basées sur le concept de “véhicule défini par logiciel” (SDV). Dans ce cas, l'ordinateur de bord du camion communicant pourra se substituer au badge traditionnel, dès lors que les concessions d'autoroutes auront remplacé l'actuelle technologie DSRC des barrières à péage par des technologies Bluetooth, wifi ou GSM.
Une autre solution réside dans l'utilisation du chronotachygraphe, dont la dernière génération intègre différents systèmes de communication, y compris le DSRC. Axxès et Continental sont les premiers à avoir mis en œuvre cette innovation en s'associant en 2023 afin d'intégrer les services et fonctions de télépéage au tachygraphe DTCO 4.1. L'appareil permet à la fois l'ouverture des barrières et la géo-localisation GNSS des véhicules pour le calcul du péage ou de la taxe routière. La connexion entre les services de péage d'Axxès et le tachygraphe se fait par le biais du VDO Link, un petit appareil similaire à une clé USB, qui contiendra les informations du contrat du transporteur et des réseaux à péage qu'il emprunte. Axxès a déployé fin 2023 une nouvelle plateforme web, Lucy, qui héberge l'ensemble des services en matière de télépéage et de gestion de flotte.
En outre, les données issues de Lucy sont exportables et peuvent être exploitées par d'autres logiciels des transporteurs. Frédéric Lepeintre, président d'Axxès, en est convaincu : "Le badge de télépéage tel que nous le connaissons depuis plus de dix ans arrive à ses limites en matière d'innovation. L'avenir réside dans les nouvelles technologies mutualisées. En tirant parti des équipements obligatoires et règlementés déjà présents à bord des véhicules, comme le tachygraphe, nous éviterons aux transporteurs de devoir immobiliser les camions pour installer et brancher un badge de télépéage dédié."
Renaud Chasle