Le déclin inquiétant des pneus rechapés
La situation du marché des pneumatiques poids lourds en France pour l'année 2023 n'a rien de réjouissant. En particulier pour les produits rechapés qui font face à une crise sans précédent selon le dernier bilan du Syndicat du pneumatique (SDP).
Premier constat : il s'est écoulé lors du dernier exercice plus de produits en sell-out (des distributeurs aux utilisateurs) qu'en sell-in (des manufacturiers aux distributeurs). Ce qui signifie que le marché a vendu plus de pneus qu'il n'en a produit, signe d'un ralentissement économique alarmant.
Les ventes ont ainsi décroché de 16,4 % en sell-in, à hauteur de 983 500 unités. Pour le sell-out, le repli atteint 12,7 % pour 1,589 million d’enveloppes. Ce dernier chiffre se décompose de la façon suivante : 1,192 million de pneus neufs (soit une perte annuelle de 10 %) et 398 000 pneus rechapés, segment qui dégringole de 19,9 %.
Cette tendance baissière, observée depuis plusieurs années, soulève des questions sur l'avenir de cette filière. En 2014, 43 % des pneus poids lourds commercialisés en France étaient issus du rechapage, contre 25 % en 2023... "La grande conclusion c'est qu'on vend aujourd'hui beaucoup plus de pneus exotiques qu'il y a quelques années", regrette Régis Audugé, directeur général du SDP. Et ce, malgré l'instauration en 2018 par Bruxelles de mesures antidumping concernant l'importation de produits chinois.
Des pneus rechapés de moins en moins attractifs
Les fluctuations des matières premières ajoutent à la complexité du marché, entraînant une augmentation du coût des pneus rechapés. Résultat : son avantage concurrentiel se réduit de facto. Un œil sur ses prix moyens en donne la preuve. En 2023, le tarif d'une enveloppe neuve a diminué de 4,1 % à hauteur de 620 euros TTC. Dans le même temps, celui d'un rechapé a augmenté, bien que légèrement, de 1,8 % (497 euros).
Dans ce contexte, Dominique Stempfel, président du Syndicat du Pneu, tire la sonnette d'alarme sur les risques que la concurrence étrangère représente pour les fabricants européens. Il souligne également les défis culturels propres au marché français, notamment la préférence des transporteurs pour le rechapage interne, contribuant ainsi à alourdir les coûts.
"Chez nous, un transporteur veut faire rechaper ses propres pneumatiques. Cela oblige son prestataire à avoir notamment des stocks tampons qui coûtent cher, ce qui alourdit finalement la facture. En Allemagne, par exemple, on a davantage recours à de l'échange-standard."
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Pour inverser cette tendance, les autorités ont fixé des objectifs ambitieux pour le secteur, dont celui d'équilibrer les ventes de pneus neufs et rechapés d'ici 2030. Face à ces défis, l'industrie du pneu se trouve à un tournant crucial, exigeant des actions immédiates pour garantir sa pérennité.