Hydrogène : la France dans le peloton de tête
Une édition record attendue. Les 1er et 2 février 2023, le salon HyVolution vivra sa 6e édition, la première Porte de Versailles, à Paris (75). Né en 2013, l'événement dédié aux acteurs de l'hydrogène attend plus de 380 exposants, soit une hausse de 27 % par rapport à 2022.
"Nous nous positionnons sur l'ensemble des marchés de destination de l'hydrogène : mobilité, énergie et industrie, rappelle Pierre Bouchu, responsable du salon. L'ensemble des acteurs du secteur sont les bienvenus, avec petits et grand projets. HyVolution est aussi ouvert à l'international." En effet, 22 % des entreprises présentes sont étrangères. Europe, Afrique, Amérique du Nord et du Sud, Asie… Les continents sont bien représentés. Par ailleurs, 13 entreprises du CAC 40 s'y trouveront. "C'est positif, cela montre qu'elles s'y intéressent de plus en plus", ajoute Pierre Bouchu.
Une version sur trois jours en 2024
Outre les échanges entre acteurs du secteurs, 70 prises de parole se succèderont pendant ces deux jours. Un campus emploi, formation et recrutement sera installé. Surtout, la grande nouveauté de cette édition est HyVolution Summit. "Il s'agit d'un congrès international pour faciliter les échanges entre les leaders de l'hydrogène", résume le responsable du salon. Cet espace de dialogue entend réunir 400 leaders politiques, économiques, investisseurs et chefs d'entreprise français et internationaux autour de quatre thèmes : stratégies nationales et internationales ; financements ; industrie et mobilité ; Hydrogen Valleys – écosystèmes et hubs.
Avant même d'ouvrir ses portes cette année, HyVolution a déjà prévu la suite : une première édition au Chili, en juin 2023, puis un retour à Paris les 30-31 janvier et 1er février 2024. Toujours Porte de Versailles, avec une surface agrandie de 30 % (19 500m²), le salon connaîtra alors sa première version sur trois jours. "C'est devenu nécessaire du fait de la densité des échanges", justifie Pierre Bouchu.
La France "dans le bon wagon"
Si HyVolution est si dense, c'est que l'hydrogène connaît une forte dynamique. "Pour mémoire, la stratégie nationale est d'allouer près de 10 milliards d'euros à la filière d'ici à 2030. Cela permettra d'installer 6 500 MW d'électrolyse, contre seulement 13 MW à l'heure actuelle, rappelle Phillipe Boucly, président de France Hydrogène, partenaire du salon depuis 2013. Mais le président de la République a annoncé fin 2022 que cette stratégie serait révisée courant 1er trimestre 2023."
Reposant sur 3 piliers (décarboner l'industrie, développer les mobilités professionnelles, développer la R&D&I), la stratégie française doit générer entre 50 000 et 150 000 emplois directs et indirects. Avec dix entreprises positionnées sur des équipements clés de la chaîne de valeur (électrolyseurs, piles à combustibles, réservoirs, véhicules…), la France est, comme Phillipe Boucly l'affirme, "dans le bon wagon". Elle compte 467 acteurs de la filière dont 113 grands groupes, 215 PM-PMI et 70 collectivités territoriales. Deuxième acteur européen derrière l'Allemagne, elle a déposé 6 % des brevets liés à l'hydrogène dans le monde.
En 2030, plus de 1 000 kt de consommation
Pour l'heure, dans l'Hexagone, France Hydrogène prévoit, via son étude Trajectoire, des volumes annuels de consommation atteignant les 1 070 kt à horizon 2030. Plus des trois quarts seront pour l'industrie (815 000). Les régions Hauts-de-France (175 kt/an), Provence-Alpes-Côte d'Azur (183 kt), Auvergne-Rhône-Alpes (161 kt), Normandie (140 kt) et Grand Est (130 kt) affichent les plus grandes capacités de production du territoire.
Pour la mobilité, la consommation projetée est de 230 000 kt. "Les secteurs routier et off-road sont concernés", assure Phillipe Boucly. Ce dernier prévient : "Il faut développer les infrastructures de recharge en même temps que la vente des véhicules, pour ne pas avoir le même problème qu'avec l'électrique." 225 stations de charge devraient être installées d'ici à 2025, quand seulement 58 sont ouvertes à ce jour.
Selon l'étude, d'autres conditions importent pour s'assurer du déploiement de l'hydrogène dans les années à venir. D'abord, sur le plan des ressources. France Hydrogène vise une production d'énergies renouvelables de 516 TWh d'ici à 2030, contre 284 TWh actuellement. "Des ressources en eau sont aussi nécessaires, prévient son président. Le besoin est non-négligeable mais faible, de l'ordre de 0,2 % de la consommation nationale." Des actions, comme le dessalement d'eau de mer, doivent être menées. "Il faut s'assurer de la disponibilité des composants et de la maturité industrielle des procédés, notamment l'électrolyse haute température et les électrolyseurs massifs, poursuit Philippe Boucly.
Bientôt une canalisation entre l'Espagne et la France
A échelle plus globale, l'Union européenne représente dans son ensemble 28 % des brevets liés à l'hydrogène déposés. La Commission européenne a autorisé, en juillet 2022, un financement public pouvant atteindre 5,4 milliards d'euros, dans le cadre du PIIEC (projet important d'intérêt européen commun). L'Allemagne multiplie notamment les accords autour de la production d'hydrogène (avec le Maroc et la RDC), de la R&D&I (avec l'Australie), de l'importation (avec le Canada). Dernier accord en date, en janvier 2023 : l'annonce d'un réseau de transport d'hydrogène avec la Norvège.
La France aura aussi le sien. H2Med reliera, à partir de 2030, les ports de Barcelone (Espagne) et de Fos-sur-Mer (13). Trois tracés sont encore à l'étude pour cette canalisation sous-marine, pour un coût estimé du projet de 2,5 milliards d'euros. Sorti de l'Europe, le Japon (24 % des projets hydrogène déposés) et les États-Unis (20 %) sont aussi très actifs. Côté américain, Joe Biden a d'ailleurs acté en août 2022 un soutien massif à l'hydrogène, avec des rémunérations croissantes à mesure que le nombre de kilos de CO2 émis par kilos d'hydrogène produit diminue.
"Enclencher les investissements"
"La France a les atouts d'une grande nation d'hydrogène. Nous sommes dans le peloton de tête, mais il ne faut pas s'arrêter quand les autres avancent. Il faut une stratégie, un financement et des capacités du production et industrielles à la hauteur des enjeux. Il est urgent de mettre en œuvre les mesures attendues par la filière pour sécuriser les porteurs de projets et enclencher les investissements, dont un cadre réglementaire et législatif bien défini", conclut Phillipe Boucly. Rendez-vous est pris Porte de Versailles le 1er février prochain.