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Transport

Un café avec.. Amandine Lucazeau, cofondatrice et dirigeante d'AC Trans

Publié le 20 octobre 2025

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Par Florent Le Marquis
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5 min de lecture
Reconvertie du médical, Amandine Lucazeau affiche un parcours atypique dans le transport. En quelques années, celle qui n'avait aucun lien avec le monde du camion a pris la route, puis cofondé sa société de transport. Elle partage aujourd'hui son quotidien avec plusieurs dizaines de milliers d'abonnés sur les réseaux sociaux.
En quelques années, Amandine Lucazeau est passée du milieu médical à gérante d'AC Trans, société qu'elle a fondée avec son conjoint. ©DR

JPL : Vous n'êtes pas une “enfant du camion” : vous êtes arrivée dans le transport après une reconversion professionnelle. Pouvez-vous nous raconter cette transition ?Amandine Lucazeau : J'ai travaillé cinq ans dans le milieu ­médical, dans différents domaines, public comme privé : service à la personne à domicile, soins aux personnes âgées et handicapées, etc. Mais les contraintes horaires et ­l'impossibilité de trouver un emploi stable ne me convenaient plus. Il y a sept ans, mon compagnon de l'époque a voulu passer ses permis poids lourds et je l'ai accompagné dans cette ­démarche. Je me suis intéressée à ce milieu et me suis dit : "Pourquoi pas moi ?" J'ai effectué quatre semaines de stage dans différentes branches du transport et cela m'a plu. J'ai ensuite trouvé une formation à Angers. Lors de l'entretien, le directeur de l'Aftral m'a demandé ce que je faisais là, avec tous mes diplômes… J'ai gagné ma place grâce à ma détermination, et j'ai bien fait de m'accrocher : quelques années plus tard, j'ai créé ma société.

Qu'est-ce qui vous attire dans le transport ?

D'abord, le changement radical : ­passer d'un métier où j'étais entourée de nombreuses personnes à un métier plus solitaire dans un camion. On nous confie beaucoup de responsabilités : on a entre les mains un véhicule qui vaut 200 000 €. J'aime aussi la liberté : je peux aller n'importe où, je trouverai toujours du travail. Et puis, le diplôme ouvre la porte à plus de 50 métiers différents dans le transport. C'est essentiel pour moi car je me lasse vite, j'ai besoin d'apprendre en permanence. Dans ce secteur, on peut évoluer sans en sortir.

Comment votre famille a-t-elle réagi lorsque vous avez annoncé votre choix ?

Cela a été une surprise : je ne viens pas du tout de ce milieu. Mes grands-parents paternels, surtout, m'imaginaient continuer dans le ­médical. Au début, ils ont trouvé ça ­insensé… Mais finalement, j'ai ­travaillé pour un client de mon grand-père, qui m'a vue dans un camion. Il a changé d'avis ce jour-là.

Vous êtes rapidement passée de conductrice à cheffe d'entreprise. Quelles ont été les étapes ?

Après mes formations, j'ai fait mon premier stage avec un ami qui travaillait dans la benne céréalière, ce qui m'a tout de suite plu. J'ai ensuite intégré une coopérative où mon père, viticulteur, était client. Mais j'y ai vécu une mauvaise expérience avec un cas de harcèlement sexuel, qui m'a refroidie. J'ai alors rejoint le secteur frigorifique, où je suis restée deux ans. Puis mon conjoint actuel, Corentin Charrier, m'a contactée via les réseaux sociaux pour me proposer un poste en benne céréalière. C'était exactement ce que je voulais, alors j'ai accepté. J'y suis restée quatre ans comme salariée. Corentin a eu l'idée de créer notre entreprise. Comme il me considérait comme "celle qui avait été forte à l'école", c'est moi qui ai passé les attestations de capacité. En moins d'un an, nous avons fondé AC Trans, en avril 2022.

Comment l'entreprise a-t-elle évolué depuis sa création ?

Nous avons débuté à trois : moi à la gestion et la comptabilité, Corentin au planning et à la route, et un conducteur salarié. Je roulais en joker quand c'était nécessaire. Malheureusement, ce salarié a eu un accident au bout de quelques mois. Nous avons dû gérer à deux, jusqu'au rachat d'un camion et l'embauche d'un nouveau conducteur début 2023. Nous avons ensuite investi dans un autre ensemble et recruté un troisième salarié. Aujourd'hui, nous sommes quatre. Mais nous sommes redescendus à trois camions, car j'ai perdu mon papa début 2025 et désormais, je m'occupe aussi de son exploitation. Malgré tout, je continue de rouler régulièrement, au moins une fois par mois.

Vous avez créé votre société dans un contexte économique compliqué. Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Nous dépendons directement des agriculteurs, qui eux-mêmes dépendent de la météo. Et 2024 a été catastrophique en termes de récoltes. Ensuite, les accidents fragilisent beaucoup : nous en avons connu dès la première année, puis encore un autre l'an dernier. Cela pèse financièrement, mais aussi mentalement. Enfin, il faut toujours se battre pour conserver sa place face à la concurrence, sans jamais sacrifier nos tarifs. Nous misons sur la qualité et la proximité avec nos clients. Et jusqu'ici, ça fonctionne.

Quelles évolutions prévoyez-vous pour AC Trans dans un futur proche ?

Pour l'instant, nous restons concentrés sur notre spécialité : le transport en vrac, principalement la benne ­céréalière. Nous avons décidé d'arrêter le fond mouvant afin de nous ­focaliser sur ce créneau, qui fonctionne bien et offre une bonne rentabilité. Notre zone d'activité couvre la Vendée, le Centre et le Sud-Ouest, et nous avons suffisamment de travail.

À titre personnel, vous avez fédéré ces dernières années une large communauté sur les réseaux sociaux : 5 000 abonnés sur Facebook, 16 000 sur Tik Tok et plus de 36 000 sur Instagram… Que partagez-vous avec eux ?

Je me suis lancée pour partager ma reconversion : j'expliquais mon ­parcours, montrais mon quotidien, etc. Et ça a bien pris ! Au début, j'ai subi quelques moqueries, certains me voyant comme une pseudo-influenceuse, mais aujourd'hui beaucoup de conducteurs font pareil.

J'essaie de montrer la réalité du ­terrain, pas seulement le positif. C'est important pour les jeunes : ce métier est possible, mais ce n'est pas facile. Les réseaux m'ont aussi ­permis de rencontrer des amis, qui m'apportent du soutien et des conseils quand j'en ai besoin.

Sur les réseaux, Amandine Lucazeau est plus connue sous le nom de "Lilou Truck" ou "Lilou Trucker Girl". ©DR

Sur les réseaux, Amandine Lucazeau est plus connue sous le nom de "Lilou Truck" ou "Lilou Trucker Girl". ©DR

Être une femme conductrice de camion est déjà rare, alors créer sa propre entreprise sans être issue du milieu… Avez-vous douté ?

Plus jeune, oui. Mais aujourd'hui, le simple fait d'être heureuse d'aller travailler le matin fait toute la différence. Il faut écouter les avis des autres, mais sans tout prendre au pied de la lettre. Quand on me disait que je n'y arriverais pas, je n'ai jamais laissé tomber. Tout le monde n'a pas cette force de caractère. Une jeune fille m'a raconté sur les réseaux qu'elle avait dû arrêter sa formation parce qu'elle était harcelée à l'école, la seule de sa promo à être une fille. Elle voulait pourtant vraiment faire ce métier. Je l'ai encouragée et ­accompagnée. Elle a persévéré et obtenu son permis. Le jour où elle m'a écrit pour me l'annoncer reste une de mes plus grandes fiertés.

Quel est le plus bel endroit où vous ayez roulé en camion ?

J'adore le Sud de la France, avec des villes comme Castelnaudary. Ce sont des coins qui ressourcent. On voit les montagnes, ça dépayse totalement ! Sinon, mon plus beau voyage était avec Scania en Norvège, début 2025 [lors d'essais hivernaux organisés par la marque, ndlr]. C'était une ­expérience incroyable.

Qu'est-ce qu'on trouve dans la playlist idéale d'une journée de tournée ?

J'écoute de tout… J'aime notamment la variété française, quand la nouvelle génération écoute beaucoup d'électro. Moi, je suis plus à l'ancienne avec des grands classiques : France Gall, Johnny Hallyday, ­Céline Dion… Mais aussi les musiques actuelles : Gims, Carbonne, etc. En passant parfois par du ­reggaeton ou des "petites musiques du soleil" comme je les appelle.

Et enfin, si vous deviez vous reconvertir de nouveau ?

Je pense que j'irais vers la restauration. J'adore manger, et surtout bien manger ! La cuisine est un vrai ­hobby. Sur mes réseaux, je partage d'ailleurs pas mal de recettes, des gamelles que je prépare pour la route : des pâtes carbonara, mais aussi des plats revisités à ma façon. J'aime y apporter ma petite touche. Cuisiner et manger, c'est toujours un moment de partage et de plaisir.

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