Alexandre Pasquier, Pasquier Transports (groupe Ageneau) : "Notre force réside dans notre diversification"

Le Journal du Poids Lourd : Vous venez d'inaugurer un centre logistique à Trélazé, renforçant votre implantation dans le Grand Ouest. Quels bénéfices allez-vous tirer de ce nouveau hub ?
Alexandre Pasquier : Nous avons en effet récemment inauguré nos nouveaux locaux à Trélazé, un projet qui a rencontré quelques obstacles et retards, nous empêchant d'ouvrir ce site un an plus tôt comme nous l'aurions souhaité. Cependant, nous sommes désormais pleinement concentrés sur les avantages que ce nouveau hub, doté d'une superficie de 7 hectares et d'une capacité logistique de 20 000 m², va apporter à notre organisation. L'objectif principal de ce projet était de regrouper nos trois activités principales. Nous avions notre activité de transport traditionnelle sur un site, notre service logistique à quelques kilomètres de là, et notre centre de formation, fondé en 2016, dans une autre implantation. L'idée derrière ce regroupement était de créer un environnement de travail plus fonctionnel et efficace. En centralisant nos équipes sur un seul et même site, nous espérons réaliser des gains de productivité significatifs. Ce nouveau centre logistique est également un outil de nouvelle génération, offrant un cadre de travail agréable et moderne. Le bien-être de nos collaborateurs est essentiel pour nous, et nous avons déjà pu constater l'impact positif de ce nouvel environnement.
JPL : Avez-vous d'autres projets de ce type ou de nouvelles implantations prévues cette année ?
A. P. : Nous avons plusieurs projets en cours pour renforcer notre présence et notre efficacité opérationnelle. Par exemple, nous sommes actuellement en train de développer un nouveau terrain au Mans, qui sera plus grand que notre implantation actuelle. Ce projet va nous permettre de redimensionner notre présence dans cette région et de mieux répondre aux besoins de nos clients locaux. Nous envisageons également d'autres initiatives similaires dans des zones stratégiques, toujours dans l'optique de nous rapprocher de nos clients et d'optimiser nos opérations logistiques.
JPL : 2024 semble avoir été particulièrement compliquée pour les professionnels du transport. Quel bilan tirez-vous de cet exercice ?
A. P. : L'année 2024 a effectivement été une période difficile pour le secteur du transport, et notre groupe n'a pas été épargné. Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 102 millions d'euros en 2024. Le bilan est moins favorable que celui des années précédentes, où nous avions bénéficié d'une activité dynamique et soutenue. Cette situation nous a contraints à nous remettre dans une position d'agilité, une qualité que nous avions quelque peu oubliée durant les années fastes. Nous avons dû faire preuve de réactivité et d'anticipation pour maintenir notre activité à flot. Notre force réside dans notre diversification. En étant présents sur plusieurs segments de marché, nous avons pu compenser les baisses d'activité dans certains secteurs par des opportunités dans d'autres. Par exemple, bien que le secteur du bâtiment, qui représente environ 30 % de notre activité, ait été particulièrement touché, nous avons pu nous appuyer sur d'autres secteurs pour maintenir notre chiffre d'affaires. Nous avons également mené des actions commerciales ciblées pour attirer de nouveaux clients et fidéliser les clients existants.
JPL : Quels segments du marché ont été les plus dynamiques pour Ageneau en 2024 ?
A. P. : En 2024, aucun segment de marché ne s'est réellement démarqué comme moteur de croissance pour notre groupe. C'est la diversité de nos activités qui nous a permis de maintenir notre dynamisme. Nous avons cherché à tirer le meilleur parti de chacune de nos activités, en adaptant nos offres et nos services aux besoins spécifiques de nos clients. Cette approche nous a permis de rester compétitifs malgré un contexte économique difficile.
JPL : Quelles sont vos perspectives pour 2025 ?
A. P. : Nous abordons l'année 2025 avec un optimisme prudent. Nous sommes conscients des défis qui nous attendent, mais nous sommes également convaincus que des opportunités se présenteront. Nous mettons en place des actions concrètes pour être prêts à accompagner nos clients dès que les signes de reprise économique se manifesteront. Nous avons déjà commencé à percevoir des signaux positifs de la part de certains clients, ce qui nous rend optimistes pour l'avenir.
Cependant, nous restons vigilants face aux difficultés persistantes, notamment en ce qui concerne les contreflux. Le manque de flux retour est un problème majeur pour notre secteur, car il déséquilibre notre organisation et augmente nos coûts opérationnels. Nous travaillons activement à trouver des solutions pour pallier ce problème, en adaptant notre organisation aux réalités du marché et en explorant de nouvelles opportunités de collaboration avec nos clients.
JPL : Le marché du transport routier fait face à de nombreux défis avec l'inflation, la hausse des coûts, etc. Quels sont, de votre côté, les principaux enjeux auxquels vous souhaitez faire face à court et moyen terme ?
A. P. : Les enjeux auxquels nous devons faire face sont multiples et variés. Sur le plan des ressources humaines, nous avons mis en place des actions concrètes pour attirer et fidéliser les talents. Notre centre de formation, qui fêtera ses dix ans l'an prochain, joue un rôle clé dans cette stratégie. En 2024, nous avons dispensé 3 500 formations sur trois sites : Trélazé, Cholet et Beaupréau. Ces formations couvrent un large éventail de compétences, allant de la conduite écoresponsable à la gestion logistique avancée.
Il y a également le défi environnemental. Dans un contexte économique tendu, nous observons que nos clients ont privilégié avant tout des tarifs compétitifs au détriment de solutions énergétiques propres. Malgré tout, nous restons convaincus que la transition énergétique est indispensable pour l'avenir de notre secteur. Nous avons donc mis en place plusieurs initiatives pour réduire notre empreinte carbone. Une partie de notre flotte roule déjà au B100, un biocarburant que nous utilisons de manière cohérente en fonction des possibilités de ravitaillement. Nous avons également investi dans des véhicules fonctionnant au gaz naturel, une solution qui permet de réduire significativement les émissions de CO par rapport aux carburants 2 traditionnels.
En 2024, nous avons dispensé 3 500 formations sur trois sites : Trélazé, Cholet et Beaupréau
Par ailleurs, nous testons actuellement des véhicules électriques, une technologie prometteuse mais qui nécessite encore des infrastructures de recharge adaptées. Nous intégrons donc progressivement ces nouveaux modèles, là où ils présentent de l'intérêt. Cependant, nous pensons que les petits gestes du quotidien et le bon sens sont tout aussi importants que les grandes innovations technologiques. Nous continuons donc à promouvoir l'écoconduite et les bonnes pratiques environnementales auprès de nos conducteurs, même ceux qui utilisent encore des véhicules diesel.
JPL : Le groupe Ageneau rayonne désormais sur le Grand Ouest et même au-delà. Quelles zones géographiques et secteurs privilégiez-vous pour votre expansion ?
A. P. : Notre groupe est solidement implanté dans le Grand Ouest, et nous envisageons d'y renforcer notre présence avant de nous aventurer au-delà. Notre stratégie d'expansion repose sur une croissance organique, en accompagnant nos clients dans leurs projets de développement. Nous n'avons pas de plan écrit pour notre expansion, mais nous restons attentifs aux opportunités qui pourraient se présenter. Nous privilégions une approche pragmatique, en nous concentrant sur les besoins de nos clients et en adaptant nos services en conséquence.
JPL : Votre centre de formation vous permet-il de répondre aux enjeux de recrutement dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre ?
A. P. : Notre centre de formation est un atout indéniable dans notre stratégie de recrutement. Il nous permet de former de nouveaux collaborateurs aux compétences spécifiques de notre secteur, et de les intégrer rapidement dans nos équipes. Cependant, nous sommes conscients que la formation ne suffit pas à elle seule à résoudre la pénurie de main-d'œuvre. Nous devons également travailler sur l'attractivité de nos métiers, en valorisant les parcours professionnels et en offrant des conditions de travail attractives.
Nous avons donc mis en place plusieurs initiatives pour attirer de nouveaux talents, comme des partenariats avec des écoles et des universités, des campagnes de communication sur les réseaux sociaux et des évènements de recrutement. Nous sommes convaincus que cette approche globale nous permettra de relever le défi du recrutement dans les années à venir.
JPL : Après avoir dirigé le groupe familial pendant des décennies, Philippe Ageneau vient de passer le flambeau au comité de direction, baptisé “le club des 5”. Comment coordonnez-vous le pilotage de l'entreprise au sein de ce club ?
A. P. : Le club des 6 est redevenu le club des 5 depuis le 1er décembre 2024, date à laquelle Philippe Ageneau a fait valoir ses droits à la retraite après 42 ans au sein de l'entreprise. Nous avons d'ailleurs profité de l'inauguration de notre nouveau centre logistique pour célébrer ce départ avec nos clients et collaborateurs, et pour rendre hommage à son parcours exceptionnel. Le club des 5 [composé de Guillaume et Arnaud Ageneau, Charlène Jaunay-Ageneau, Ludovic Brin et Alexandre Pasquier, ndlr] fonctionne de manière très harmonieuse, grâce à une communication ouverte et à un respect mutuel. Nous partageons une vision commune de notre mode de développement, basée sur l'innovation, la qualité de service et la proximité avec nos clients. Chacun des membres du club apporte son expertise et son expérience, ce qui nous permet de prendre des décisions éclairées et de relever les défis auxquels nous sommes confrontés. J'ai expérimenté le pilotage d'une entreprise seul, et maintenant en équipe. Je peux affirmer que ce mode de fonctionnement est efficace !
Ageneau Group est géré aujourd'hui par "le club des 5" : Alexandre Pasquier, Charlène Jaunay-Ageneau, Arnaud et Guillaume Ageneau, Ludovic Brin (de gauche à droite). ©Ageneau
JPL : Un dernier mot sur votre stratégie à long terme. Le groupe Ageneau dispose de plusieurs services et activités. Avez-vous la volonté de développer encore cette multi-expertise en ajoutant de nouvelles cordes à votre arc ?
A. P. : L'innovation fait partie de l'ADN de notre groupe, et nous avons toujours à cœur de développer de nouvelles expertises pour répondre aux besoins évolutifs de nos clients. Nous n'avons pas de projet spécifique à annoncer pour le moment, mais nous restons à l'affût des nouvelles tendances et des opportunités de marché.
Notre stratégie à long terme repose sur une approche pragmatique et innovante, en nous appuyant sur nos forces et en restant à l'écoute des besoins de nos clients. Nous sommes convaincus que cette approche nous permettra de continuer à nous développer et à jouer un rôle de premier plan dans le secteur du transport routier.
Bio express
Transports Pasquier démarre son activité en 1976 lorsque Gaby Pasquier, chauffeur et entrepreneur, crée sa propre société. Spécialisée dans le transport de menuiserie et le déménagement, l'entreprise croît rapidement, en particulier lorsque Alexandre Pasquier reprend les commandes en 2012. Ce dernier prend le parti de diversifier les activités. En janvier 2020, l'entreprise franchit une nouvelle étape en rejoignant Ageneau Group. Ce rapprochement stratégique ouvre la voie à un développement renforcé d'un ensemble représentant 550 collaborateurs, 330 moteurs et 700 cartes grises. Alexandre Pasquier rejoint alors le comité de direction, et devient directeur général de l'entité Pasquier Transports.