TMS : des logiciels mieux connectés, intelligents et simplifiés
Simplification des interfaces, intégration de l’intelligence artificielle (IA), interopérabilité accrue… Face à ces évolutions, les éditeurs de logiciels de gestion du transport (TMS) renouvellent leurs offres, ajoutent des fonctionnalités et adoptent progressivement des modèles de facturation à l’usage. Sur le marché, les acteurs historiques poursuivent leur concentration, tandis que de nouveaux entrants misent sur des solutions "light" calibrées pour les petites et moyennes entreprises.
La connectivité ou l’interopérabilité des logiciels entre eux et avec les solutions de gestion de flotte, de mobilité, de visibilité des livraisons ou avec les bourses de fret, reste un axe fort de développement pour les éditeurs du marché. En outre, la frontière entre le TMS transporteur et le TMS chargeur tend à disparaître avec l’émergence de logiciels tout-en-un à destination de ces deux cibles aux besoins autrefois bien distincts et désormais convergents.
L'offre TMS en plein renouvellement
Sur le marché, le groupe Sinari fait figure de leader après avoir racheté bon nombre d’éditeurs ces dernières années pour atteindre 8 filiales dédiées au TMS (sur 13 au total) et quelque 6000 clients. Fin 2024, le groupe, désireux d’unifier ses marques, a annoncé le regroupement de l’ensemble de ces filiales sous l’unique bannière Sinari. Quelques mois plus tard, à l’occasion de SITL 2025, c’est une nouvelle offre commerciale, Sinari TMS, qui était lancée. L’éditeur propose désormais trois grands TMS issus de la fusion des logiciels existants, auxquels s’ajoutent trois solutions historiques mais rebaptisées. Son portefeuille comprend Sinari TMS Ready, construit sur la base des logiciels Item Trans, ACS Trans et Dartagnan, présenté comme une solution SaaS adaptée aux transporteurs qui recherchent un système simple, complet et modulaire.
L’intégration de l’IA permet au TMS de traiter automatiquement les données et de planifier le transport. ©Dashdoc
La seconde offre, Sinari TMS Advanced, se décline en deux versions : LTL (ex-Traplus), plutôt destinée aux entreprises avec une plus forte orientation messagerie et distribution, et FTL (ex-LSO), plutôt axée sur la gestion du transport de lots. Enfin, l’éditeur conserve les TMS Sinari Exellium, Sinari Open et Sinari Proxylog. Outre la fusion de ses solutions et le passage au mode SaaS hébergé sur le cloud, une nouveauté réside dans un nouveau modèle de facturation à l’usage, qui sera progressivement mis en place. "La tarification de nos TMS sera calculée sur la base de journées-camion, permettant aux transporteurs de ne payer que l’utilisation réelle de leur logiciel et d’atteindre un meilleur retour sur investissement", déclarait Hugues Dollé, directeur commercial, sur le stand SITL de Sinari.
Les autres éditeurs, parmi lesquels Akanea, Strada ou Dashdoc, font aussi évoluer leurs offres. À l’automne dernier, Akanea a par exemple lancé la nouvelle plateforme AllRoads qui inclut 3 TMS : IRoad (pour les TPE et commissionnaires), XRoad (pour les PME) et MRoad (pour les grands groupes de transport). De son côté, Dashdoc a dévoilé en mai une nouvelle version de son TMS avec des fonctionnalités renforcées par l’IA, notamment de planification automatisée des transports.
Au même moment, l’éditeur Strada annonçait l’ajout à sa plateforme Strada World d’un nouveau TMS, baptisé Matrix Cargo, qui sera commercialisé à partir de septembre prochain. Il complète le TMS Attelage mais s’adresse à la fois aux transporteurs et aux chargeurs, en intégrant des fonctionnalités avancées de planification automatisée des transports et d’optimisation des itinéraires ou du chargement des camions. D’autres acteurs plus récents sur le marché, tels KPA6T ou Eureka Technology, ciblent les PME en misant sur la simplicité d’utilisation de leur TMS et répondent ainsi à une tendance forte exprimée par les transporteurs.
Vers des TMS simplifiés
Alors que les TMS sont longtemps restés des logiciels assez complexes, souvent conçus pour répondre à des typologies d’activité (lot, groupage, messagerie, vrac…) et nécessitant des développements et paramétrages sur mesure pour chaque transporteur, ils cherchent aujourd’hui à gagner en simplicité. Celle-ci se traduit par un accès via le web, sans infrastructure réseau ou matérielle complexe, des interfaces utilisateurs repensées pour être plus ergonomiques et faciles à appréhender, ou encore par des automatismes renforcés.
Les modalités tarifaires évoluent également. Elles passent de modèles d’achat de licence avec des coûts additionnels en cas de développement, au modèle d’abonnement à l’usage comprenant des mises à jour régulières. Ici, la simplicité réside dans une meilleure capacité du transporteur à calculer le retour sur investissement du logiciel. Les entreprises, assaillies par les demandes de digitalisation et de multiplication des outils de la part des chargeurs, sont friandes de solutions plus faciles à prendre en main pour les exploitants, aisément paramétrables et connectées par API à d’autres logiciels.
De nouveaux TMS émergent pour répondre aux besoins des transporteurs et des chargeurs. ©AdobeStock
"La simplicité d’utilisation ainsi que les interfaces avec les outils de gestion de flotte (télématique) et de mobilité sont les critères qui nous ont convaincus de retenir le TMS de Dashdoc pour remplacer notre précédent outil", confirme Sylvain Orain, codirigeant des Transports Orain. Sans rogner les fonctionnalités de leur TMS, les éditeurs proposent des gammes de logiciels "sur étagère", avec des versions “allégéesˮ pour les TPE/PME et des versions plus complexes pour les entreprises déjà digitalisées. Les logiciels sont intégrés à une plateforme web offrant différents modules, auxquels les transporteurs peuvent souscrire pour faire évoluer le champ fonctionnel de leur solution selon leurs besoins.
Le logiciel de plus en plus intelligent
Une autre piste largement privilégiée par les éditeurs pour simplifier l’utilisation du TMS par les transporteurs consiste à intégrer une couche d’intelligence artificielle au logiciel. La grande promesse n’est pas de développer des solutions autonomes capables de remplacer l’exploitant, mais plutôt de lui faire gagner du temps en automatisant de nombreuses tâches. "Grâce à l’IA et au machine learning, le TMS optimisé permettra de délester l’exploitant d’une charge de travail chronophage afin qu’il se concentre uniquement sur des arbitrages basés sur un prétravail automatique d’analyse de toutes les données du transport", affirme Sébastien Rufflé, président de Sinari. L’IA va ainsi traiter, comprendre et restituer des données de manière à remplir automatiquement les champs d’un ordre de transport ou d’une facture, par exemple. L’exploitant n’aura alors qu’à contrôler les informations et valider ou modifier le plan de transport ou une tournée.
Dans le TMS de Dashdoc, l’IA peut comprendre les informations contenues dans un document (PDF, email, message EDI), telles que les coordonnées du client, les détails de la marchandise ou les dates et lieux de chargement et de déchargement, puis les transformer automatiquement en paramètres d’élaboration d’un transport. L’IA va analyser les variables à prendre en compte pour l’affectation d’une mission : la position du conducteur, la distance à parcourir pour se rendre au nouveau point d’enlèvement/livraison, les temps de conduite, etc.
Sur cette base, la technologie va pouvoir programmer la journée de travail d’un conducteur et simuler l’impact d’éventuelles modifications sur une tournée, tel un enlèvement de dernière minute. On retrouve ce type de fonctions basées sur l’IA dans la plupart des TMS actuels, qui devraient continuer de s’enrichir et de se perfectionner. "À terme, l’IA pourra servir à l’optimisation des tournées et du remplissage des camions, à la prévision de la sinistralité, au traitement d’images pour contrôler l’état des camions", estime ainsi Nicolas Morand, directeur de systèmes d’information du groupe Lahaye.
Des TMS multicibles pour les transporteurs et les chargeurs
Sur le marché du TMS, des éditeurs développent une version du logiciel spécifiquement dédiée aux transporteurs, et d’autres visent les chargeurs. Selon leur cible, chaque version du TMS inclut des fonctionnalités différentes : de planification opérationnelle, suivi et facturation pour les transporteurs, et d’achat de transport pour les chargeurs. Mais ces dernières années, la frontière auparavant bien claire entre les deux outils tend à s’estomper.
On voit arriver des logiciels tout-en-un à destination de l’écosystème chargeur/transporteur/affrétés, permettant aux donneurs d’ordre dotés d’une flotte en propre de gérer leur transport ou de se connecter à leurs prestataires à l’aide d’un unique TMS partagé par toute la chaîne. Le nouveau TMS Matrix Cargo de Strada en est l’illustration. "Il peut être utilisé par un transporteur pour traiter les commandes et planifier automatiquement les tournées, en sélectionnant intelligemment les véhicules/conducteurs adaptés à la mission. Le logiciel permet aussi aux chargeurs de planifier les transports de leur flotte en propre et de sélectionner leurs prestataires pour leur adresser les missions", explique Caroline Guillon, responsable marketing de Strada.
Avec ces nouvelles générations de TMS multi-cibles, l’ensemble des acteurs a recours au même outil, ce qui facilite les échanges de données et l’interopérabilité des systèmes d’information. Mais, parce que les transporteurs ont différents clients et ne peuvent pas utiliser un TMS différent pour chacun, l’ouverture ou la connectivité du logiciel reste un prérequis.
La connectivité se généralise
Avec l’adoption quasi totale du modèle SaaS et de logiciels hébergés sur le cloud par les éditeurs de TMS, le logiciel peut s’interfacer plus aisément par API avec les systèmes d’information des donneurs d’ordre et avec l’ensemble des solutions digitales des transporteurs. Le TMS capte ainsi les données des logiciels de gestion de flotte, se connecte à des applications mobiles pour les conducteurs, à des plateformes de suivi des livraisons ou intègre des portails clients, notamment pour partager les documents de transport.
Cette interconnexion des systèmes permet d’automatiser le partage d’informations avec les clients, de réajuster les plans de transport au fil de l’eau en fonction de l’état d’avancement des missions, ou encore d’accélérer la réception des preuves de livraison ou lettres de voiture pour enclencher plus rapidement la facturation aux chargeurs. Dès lors, le TMS devient de plus en plus une tour de contrôle qui associe les données de planification des transports à celles de leur exécution en temps réel. C’est l’élément central du système d’information des transporteurs qui concentre toutes les datas nécessaires à la gestion de l’activité et à l’amélioration de la performance.
Par Renaud Chasle
Le TMS au cœur du système d'information de Gautier Fret Solutions
Chez Gautier Fret Solutions (GFS), les TMS (Teliae et Akanea) sont interfacés à un ensemble de solutions. "Le TMS est le coeur du système d’information, connecté à l’informatique embarquée des camions, à des outils de reporting business intelligence, au CRM avec le fichier clients, à la bourse de fret B2PWeb, prochainement aux logiciels de gestion du parc, explique Vincent Bouron, directeur des opérations. L’outil se connecte aux stations chargeurs des clients pour l’envoi des ordres de transport. Il permet de partager les OT entre les huit agences du groupe, de piloter le plan de transport global et d’élaborer les tournées locales par agence puis de suivre les opérations et de les facturer", ajoute-t-il.
Grâce à ces nombreuses interfaces, GFS digitalise tous les processus, remonte via un portail les émargés, documents de transport et données de traçabilité des opérations aux donneurs d’ordre ou à ses services internes de gestion de la relation client et de facturation. Le TMS, également interfacé avec celui des partenaires affrétés, permet de leur adresser les ordres de transport mais aussi de remonter les données d’exécution et de suivi. "Cette interconnexion des systèmes et le partage des données qu’elle autorise avec l’ensemble de la chaîne rendent chacun autonome dans la collecte des données importantes", affirme Vincent Bouron.