Lavage : vers une professionnalisation du secteur en France ?
Au fil des ans, le constat semble immuable : le marché du lavage PL piétine. Un état de fait particulièrement ressenti du côté des portiques. Ce constat conduit la plupart des fabricants et distributeurs, par ailleurs focalisés sur le VL, à "mettre la pédale douce" sur leur implication commerciale. En outre, pour ce qui concerne l'exercice en cours, les cartes sont quelque peu rebattues avec deux acteurs contraints de repartir d'une feuille blanche ou presque. Ainsi, Lavance distribue désormais la marque Aquarama en remplacement de la marque Istobal, qui vient de créer sa propre filiale en France.
Chez Christ, le leader incontesté du marché avec environ 70 portiques commercialisés, le challenge est d'un autre ordre. En effet, la marque de Memmingen (Bavière) doit aujourd'hui composer avec le départ à la retraite de Gilles Gorsse, son ancien responsable commercial PL. Malgré ces quelques soubresauts, les estimations des différents acteurs font toujours état d'un volume annuel compris entre 180 et 250 unités, dont les deux tiers en renouvellement. Rappelons que la durée de vie moyenne d'un portique poids lourd est de douze ans, en fonction de son exploitation et de son entretien. Pour ce qui est du parc, celui-ci repose sur un peu moins de 4 000 machines.
Pour WashTec, l'heure serait plutôt à la stabilité avec un volume annuel évoluant entre 25 et 30 machines. "Le potentiel existe, mais les prix extrêmement tendus font que ce marché reste peu rentable, observe Fabrice Collet, directeur commercial & marketing de la marque en France. Ce marché pourrait susciter un regain d'intérêt s'il se professionnalisait davantage. Certes, un certain nombre de stations de lavage de poids lourds sont implantées sur le territoire, mais elles demeurent peu nombreuses. Alors qu'en Allemagne, outre l'effet de volume, on retrouve de vastes stations-service en mesure d'effectuer un lavage sur tous les types de véhicules avec, en sus, la carte des options. De quoi élever de manière substantielle le niveau de prix moyen d'un portique."
De fait, à titre d'exemple, le MaxiWash Vario de WashTec est positionné entre 45 000 et 50 000 € HT selon les options. Un niveau de prix quelque peu supérieur à celui pratiqué par les assembleurs, plutôt positionnés aux alentours de 42 000 € HT. "Par rapport aux coûts matières que nous avons subis ces dernières années, ce niveau de prix moyen demeure très bas, et pour le moins pénalisant, martèle Fabrice Collet. Pour nous permettre de réaliser une marge acceptable, le marché devrait se situer aux environs de 55 000 € HT, mais il ne semble pas en capacité d'accepter des prix plus élevés actuellement."
Le marché national s'articule majoritairement sur le lavage en interne
Autre son de cloche du côté de Thomas Cogan, directeur d'Istobal France. Selon lui, le marché du lavage PL peine à décoller car cet équipement représente toujours un coût additionnel pour l'investisseur, qu'il s'agisse d'une entreprise de transport routier de marchandises ou d'un autocariste. “Il existe toujours un marché pour la diversification, avec notamment des systèmes spécifiques pour les besoins un peu particuliers”, estime-t-il. C'est le cas de la solution HW'Intrawash, développée par le fabricant espagnol pour le lavage et la désinfection de l'intérieur des remorques réfrigérées et des conteneurs maritimes.
Au-delà de ces observations, le marché français continue de privilégier majoritairement le lavage en interne, au détriment de la sous-traitance en stations spécialisées. Toutefois, selon Matthieu Collin, président de Lavatrans, l'un des deux grands réseaux de lavage spécialisés avec 10 stations à ce jour, les mentalités semblent évoluer. "Plutôt que de s'équiper en interne, les professionnels du transport s'orientent de plus en plus vers la délégation de la prestation sur des centres de lavage, affirme-t-il. D'ailleurs, nous avons parmi nos clients des entreprises de transport qui étaient équipées ou qui sont encore équipées, et qui se dirigent vers nos stations de lavage pour des raisons de praticité. L'entretien des aires de lavage est un élément déterminant. En outre, le chauffeur doit prendre sur son temps de travail pour laver son camion. Cette démarche peut être assez fastidieuse et coûteuse pour le chef d'entreprise, alors que chez nous, la prestation est réalisée en 20 min, via un personnel qualifié."
Un point de vue qui se défend, en sachant aussi que la notion d'accès et de proximité du service entre aussi en ligne de compte. Ce facteur contribue, à n'en pas douter, à booster l'activité. Matthieu Collin le confirme : "Nous enregistrons toujours de la croissance à périmètre constant avec une progression de 6 % de notre chiffre d'affaires en 2023, pour un nombre de lavages en augmentation de 3,8 % [soit un peu plus de 70 000 lavages, ndlr]. Nous retrouvons d'ailleurs la même tendance sur le premier semestre 2024, en sachant que la progression s'effectue même sur certaines de nos stations ayant une grande antériorité, ce qui nous satisfait pleinement. Toutefois, au travers de notre panel clientèle, nous voyons bien que l'activité de certains transporteurs évolue en dents de scie, avec des semaines non remplies."
À noter que la fréquence moyenne de lavage demeure stable avec trois ou quatre lavages par mois, pour un panier moyen de 70 € HT (ensemble semi-remorque), également valable sur le plan national. Chez Lavatrans, qui travaille avec les trois grands du secteur (Christ, Lavance et WashTec), ce panier moyen peut descendre entre 30 et 40 € HT, selon le type d'abonnement souscrit. Côté actualité, le réseau professionnel vient tout juste d'ouvrir une nouvelle station à Vierzon (18), et une autre ouverture doit avoir lieu à Nîmes (30) très prochainement. Ces deux stations reprennent les mêmes configurations que les autres : deux pistes de lavage, l'une en "full service" avec une équipe qui effectue la prestation de lavage, l'autre en libre-service ouverte 24h/24, 7j/7.
Le recyclage, toujours un débat dans les réseaux
Chez QRO, qui dispose de deux centres sur la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, deux en Auvergne Rhône-Alpes et un dans l'Aude, on rapporte avoir profité de conditions météorologiques favorables. "Tant en 2023 qu'en début d'année 2024, nous avons été très concernés par les différents épisodes de particules de sable du Sahara qui poussent au lavage du véhicule et nous ont donc ramené bon nombre de clients, relate Eva Bernard Rolli, cheffe de groupe D&M Rolli SAS. Pour nous, ce phénomène est un peu du pain béni dans la mesure où globalement, l'heure serait plutôt à la stabilité au cumul du premier semestre 2024. Nous avons l'impression que les transporteurs souffrent quelque peu sur le plan financier du fait d'un début d'année compliqué."
Ainsi, en dépit des restrictions d'eau relatives au seul site de Narbonne (les arrêtés sécheresse ayant été mis en place jusqu'au 30 novembre !) avec, à la clé, une légère baisse de l'activité (seul le lavage des intérieurs de citerne ayant été autorisé), QRO a effectué 72 000 lavages en 2023 sur ses 5 centres, soit 2000 de plus qu'en 2022. Pour cette année 2024, le réseau de lavage PL ne s'est pas vraiment fixé d'objectifs particuliers, surtout à périmètre constant.
Pour rappel, QRO demeure fidèle à Christ avec un parc de neuf Magnum et deux Nova, le nouveau modèle du fabricant allemand installé il y a un an sur le site de Miramas.
Sur ces deux exemplaires, le réseau spécialisé en a profité pour modifier la programmation avec, à la clé, une économie d'eau de 100 à 150 litres sur un cycle classique (la consommation réelle pour un lavage se situant désormais entre 600 et 700 l). "Notre véritable enjeu se situe au niveau du recyclage, sachant que nous sommes toujours dans une phase de réflexion, indique Eva Bernard Rolli. Par rapport au VL, nous avons beaucoup plus d'hydrocarbures à traiter. Il y a aussi le lavage des intérieurs de frigos qui nécessiterait l'installation d'une arrivée d'eau spécifique, le rendu au séchage sur la carrosserie, sans parler du coût de l'entretien du système. Au final, bon nombre d'interrogations subsistent, sachant aussi que ce système ne serait véritablement utile qu'en période de sécheresse, soit 2 à 3 mois dans l'année."
Une position à laquelle adhère complètement Matthieu Collin pour le réseau Lavatrans. "Aujourd'hui, nous continuons d'étudier les différentes pistes possibles, mais il s'avère que les seules solutions qui nous permettraient techniquement d'obtenir une eau de qualité suffisante pour laver correctement un camion sont des solutions industrielles, qui coûtent plusieurs centaines de milliers d'euros, souligne-t-il. Autrement dit, des solutions non adaptées à notre activité. En outre, les intérieurs de frigos doivent être traités à l'eau potable." Dont acte.
Marc David